Tourné lors de l'été 2005 à Sofia en Bulgarie, présenté en avant-première dans divers festivals en 2006 avant de sortir en salles un peu partout dans le monde en 2007, Abandonnée reste encore à ce jour l'unique long-métrage du réalisateur catalan Nacho Cerdà.
Cinéaste remarqué pour ses 3 premiers courts-métrages produits entre 1990 et 1998 (réunis en DVD par Wild Side sous la dénomination La Trilogie De La Mort qui comprend The Awakening / Aftermath / Genesis), Cerdà cosigne le scénario d'Abandonnée aux côtés de Richard Stanley et de Karim Hussain, ce dernier étant responsable du totalement barré mais néanmoins génial Subconscious Cruelty.
Marie, une quadragénaire abandonnée par ses parents quand elle fût bébé et ayant passé la majeure partie de sa vie aux États-Unis, hérite de la demeure familiale, isolée et en ruines, située en Russie. Là, elle y retrouve son frère jumeau, Nikolaï, dont elle ignorait jusqu'ici l'existence. Tous deux vont alors brusquement se heurter à des souvenirs funestes et oubliés, symbolisés par des apparitions fantomatiques d'eux-mêmes et l'inéluctable destruction de la demeure prétendue damnée...
Si Nacho Cerdà a toujours clamé que les travaux du cinéaste Andreï Tarkovski furent sa principale influence lors de la conception d'Abandonnée, son métrage n'en reste pas moins un somptueux et poignant hommage au réalisateur Lucio Fulci. En effet, de nombreuses séquences horrifiques nous transportent directement au cœur de la poésie létale et putride de la Trilogie Des Portes De L'Enfer du fameux maestro italien. Une prosodie remarquablement magnifiée ici par la direction photo de Xavi Giménez, chef-op' attitré des premiers longs-métrages d'un autre Catalan, Jaume Balagueró.
Mais Abandonnée est loin de n'être qu'une simple révérence aux modèles de Cerdà, le scénario illustrant littéralement les conséquences psychologiques de son héroïne, démystifiant l'inconscience de ses névroses et de ses peurs. Un travail d'écriture hallucinant entamé 7 ans auparavant par Karim Hussain (sous le titre de travail The Bleeding Compass) et qui transparaît ici sous une forme cinématographique aussi somptueuse que terrifiante grâce à la réalisation plus qu'inspirée de Cerdà.
Interprétée par une Anastasia Hille habitée (et imposée par Cerdà à ses producteurs qui désiraient engager Nastassja Kinski), l'héritage familial névrotique sous forme de quête d'identité est ici personnifié par une lugubre maison qui reste un personnage à part entière au sein du métrage et qui incarne la complexe métaphore d'une psychothérapie analytique. En effet, chaque latte de parquet, chaque bris de verre ou encore chaque objet retrouvé dans les décombres abandonnés représentent une étape de logique démonstrative amenée à être déconstruite pour une éventuelle guérison mentale. Un pari certes insensé de la part des scénaristes, mais pleinement réussi et indéniablement pertinent qui érige cette œuvre en un véritable monument psycho-horrifique.