Ablations m'a donné l'impression d'être entraîné dans des sinuosités où des entités mal-formées cherchent à percer les parois en tâtonnant. C'est ce que j'ai pu ressentir en regardant Inland Empire ou encore Kill List.
Dans ce film, tous les personnages sont rongés à leur manière. Les acteurs ont des gueules prenantes, ce qui rend les personnages encore plus singuliers. Pour moi, Pastor est loin d'être le plus dérangé de l'histoire, et c'est un des attraits du film : creuser dans l’aberrant.
Les scènes de rêves sont troublantes sans être très fantastiques, c'est plutôt impressionnant !
Il y a dans le scénario un petit extra agréable : dès les premières minutes du film, on peut deviner tout ce qui se passera ensuite, mais sans aucune certitude possible. Et voilà le thriller tué dans l’œuf ?
À côté de ça, il y a de l'humour, de la liberté de ton, et une équipe qui a su travailler ses scènes en s'éloignant parfois des codes du genre (thriller petite échelle, parodie de thriller, drame horrifique).
En somme, c’est pour moi une découverte à mon goût, mais certainement pas à celui de tous, à cause des aspects obtus de ce film. Sans doute parce qu'on y retrouve l'influence des mentors (ou collègues plus expérimentés) d'Arnold de Parscau : Ablations est un menhir singulier dressé à la croisée du bizarre à la Kervern & Délépine et de l’histoire sombre et dérangeante dans la tradition de David Lynch et consorts. Je pense que beaucoup ont pu être déçus de retrouver trop ou pas assez les univers ou l'influence de ces réalisateurs, mais personnellement, je ne me suis pas gâché le visionnage en faisant des comparaisons hâtives, j'ai simplement aimé ce que j'ai traversé.
On pourrait, à la rigueur, reprocher à Ablations de manquer de contenance et de netteté à certains moments (ça déborde, ça fait fouillis, mais la faute à quoi ? l’enchaînement des actions, le montage, le cadrage ?). Mais pour ma part, je trouve que ça contribue à l'ambiance abyssale du film.