Dans son processus de création, le cinéaste espagnol Pablo Berger explique qu'il a l'habitude de projeter tous ses démons et idées sur papier, quitte à atteindre une certaine forme de chaos, pour ensuite essayer de créer un tout plus ou moins cohérent. "Abracadabra" est un cas typique de film qui se regarde le nombril sans jamais lever les yeux vers les spectateurs.
Comédie fantastique, pourquoi pas. Mais quand les différents tons adoptés dans le film sont tellement dissociables qu'on se retrouve à ne plus savoir s'il faut rire ou pleurer, le mélange des genres est alors complètement à côté de la plaque. L'humour absurde dont le réalisateur se fait l'ardent défenseur, tombe tout le temps à plat. Très mal introduites (la fille de la famille qui est cachée sous le lit, pourquoi? Le cousin qui patiente en attendant un rendez-vous sur un manège pour enfant, pourquoi? En d'autres circonstances, ces séquences auraient pu faire mouche mais elles sont ici en total décalage avec ce que nous raconte le film), ses scènes humoristiques nous emportent dans une sorte de réalité troublée où des personnages ordinaires se mettent à adopter des comportements totalement excentriques sans que ces derniers n'aient un quelconque rapport avec le fil conducteur de l'histoire qui privilégie le drame fantastique dans son déroulé à toute forme de comique. On se retrouve alors devant une oeuvre qui s'évertue à vouloir nous faire rire alors qu'on ne veut qu'une chose, que le film avance.
Mais le film n'avance pas. Pour cause, cette désagréable impression que les scènes se succèdent sans véritablement de lien, la faute à un montage qui passe du coq à l'âne et semble avoir oublié une demi-heure de film qui nous aurait permis de suivre avec beaucoup plus d'intérêt cette histoire de possession. Une histoire qui d'ailleurs n'exploite pas du tout le côté comédie de moeurs (le père de famille macho qui devient le mari idéal, le pitch du film tout simplement), un choix qui aurait sans doute permis au film d'être plus drôle. Et puis ce sentiment étrange que les personnages sont visiblement en accord avec toutes les étrangetés paranormales qui leur arrivent, tout cela sans être inquiétés ou perturbés un minimum. Surtout que la dernière séquence, poignante et prenante, fait le choix d'un film sérieux très proche du thriller haletant, une direction qui annihile toutes les décisions prises auparavant.
Des mauvais choix à foison, une réalisation tantôt tape-à-l'oeil, tantôt à côté de la plaque et un sujet très mal traité, "Abracadabra" est l'oeuvre d'un homme qui semble faire des films pour lui tout seul, engoncé dans son propre délire.