Comment vous expliquer ce sentiment.
Lorsqu'en général sous vos yeux ébaubis s'inscrit une bande-annonce d'un film (disons ici qu'il s'agit d'un film d'action QUAND MÊME), on se sent très vite mi-figue mi-raisin. Nous, amateurs du genre, on a bien comprit messieurs de la prod, que votre bande-annonce non seulement compile dorénavant vos films entiers qui se résument en: baston, bisou, baise, bistouri, bombes et bagatelles; mais aussi on en prend généralement assez dans la gueule (sur fond de millions de watts qui vous décalquent les tympans) pour ne pas avoir envie de s'infliger davantage le supplice de se coltiner une heure trente de pétarade dans tous les sens dont le final est attendu au tournant depuis les premières minutes.

Enfin bref. Quand on voit une bande-annonce, on se sent tout chose. On s'apprête à jeter un coup d'oeil par le judas de l'avenir du cinéma (pas mal crevé dans nos salles obscures, je vous le concède). Mais on ne peut s'empêcher pourtant d'avoir cet espoir candide d'être emballé par quelques brides de dialogues ineptes, ces gros bandeaux tapineurs (CET *baston* HIVER *femme en danger* VOUS *le grand méchant qui fait pipi* ALLEEEEEEZ *le visage de Chuck God Norris pas content* AVOIR *petit paysage paisible et enneigé* FROID!) et les paires de rondeurs qui vont bien. Peu à peu, on finit par se sentir délaissé par le cinéma, à croire qu'ils ne font plus que du cinéma pour les autres, et pire, peut-être ne le savent-ils pas encore, pour eux seuls. On se met à imaginer deux jeunes réalisateurs pimpants de génie occupés à s'envoyer des fleurs "et ton plan par-ci, tes gosses par là, quel film de boules?" et on finit par devenir des vieux cons, aigris de ne plus apprécier les valeurs de notre temps simplement parce que parfois on ne le comprend plus.

La chose est étrange, oui, quand j'ai vu la bande-annonce du film qui nous occupe, j'ai tout d'abord crié au viol. Viol d'une réalité historique, d'un père fondateur d'une Amérique toujours en bonne forme pour balancer ses vices économiques par delà la planète et puis je me suis repris. Timur Bekmaziblnuibetov est comme son nom l'indique russe et je me raisonne: ce film est un signe que la guerre froide n'est peut-être pas entièrement terminée. Infiltré à Hollywood, notre gaillard pose ses bourses sur des films médiocres, se complait dans sa fange intellectuelle et nous propose (pas à nous européens directement, attendez, nous on aime que les films d'amour et les Parapluis de Cherbourg) un concentré du cinéma hollywoodien du début de ce siècle, ni plus ni moins. De ce constat, le film ne peut être autrement qu'un enfant de ce siècle: de la fight, du blood, des vampires (bon ça c'est pareil en français du coup ça le fait moins), des boobs et des mothercuking Lincoln! L'Amérique est aux anges, qui eût cru que Lincoln fût chasseur de vampire avant d'être président? Sachant repêcher les frustrés de Twilight (parce que cette fois on les bute les suceurs de sang) et piochant dans un nouveau public (le bon vieux appel des valeurs patriotiques), Timur a surmonté le problème du renouvellement des thèmes dans une carrière ma foi complète.
Quelques mauvaises langues trouveront à dire que ce film n'est pas crédible. D'autres lui consacreront une place de choix dans les faux pas du cinéma et nanards ambulants trop représentés pour être véritablement appréciés à leur humble saveur. D'autres encore - dont je fais probablement parti, malgré moi - s'aventureront à dire qu'un film auquel touche de près ou de loin Tim Burton ne peut être autrement qu'insipide. Quant à ceux qui -bien rares- ont vu la lumière, sorti leurs dollars de smic (ou équivalent outre atlantique) pour la prendre profond, eux seuls savent ce qui les attend dans ce monde de ténèbres.

Parce qu'entre Lincoln et les vampires de l'économie il n'y a qu'un Timur a passer après tout.
Albion
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le 31 juil. 2012

Modifiée

le 9 août 2012

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Albion

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