"Abus de confiance" fait partie de la série de comédies de juste avant-guerre d'Henri Decoin dans lesquelles il mettait en scène Danielle Darrieux comme "battement de cœur", "premier rendez-vous", "mademoiselle ma mère", etc etc
Cette comédie est assurément une des plus réussies. A mon avis, bien sûr.
Une jeune fille, rangée et modeste, étudiante en droit, sans ressources depuis le décès de sa grand-mère, craint de se retrouver à la rue. Suite au conseil d'une amie et par désespoir de ne pouvoir trouver un emploi "honnête", elle parvient à s'introduire dans une famille bourgeoise en se faisant passer pour un enfant naturel du mari, ému du souvenir et de cette retrouvaille… Evidemment, pour éviter la rue et ses dangers (pour une jeune fille), on plonge dans l'abus de confiance ...
Le scénario est bien ficelé et tout-à-fait crédible. Même si les ficelles se voient parfois un tout petit peu. Mais le scénario ménage un peu de suspense car la supercherie pourrait bien être éventée. Et alors, là … !
La mise en scène de Henri Decoin est sobre tout en étant efficace et pleine de sens.
Danielle Darrieux crève l'écran avec sa fragile beauté, sa force intérieure de refus de l'argent facile (on se doute comment). Elle crève l'écran encore lorsqu'introduite auprès de son supposé père, elle est consciente de son imposture alors que tout lui sourit à nouveau, un foyer et la poursuite de ses études. En cela son personnage m'est profondément sympathique car on ressent en elle le poids de sa culpabilité qui se traduit par des gestes simples comme le bouquet de fleurs fraîches tous les matins sur le bureau de son "père" ou encore par la scène muette de la confession.
Sa première plaidoirie concerne justement un abus de confiance d'une jeune fille s'étant faite passer pour une amie de la fille décédée d'une vieille dame. Bien entendu, sa plaidoirie est un succès mais surtout, Danielle Darrieux est vibrante d'émotion car, pour une fois, elle peut parler ouvertement de quelque chose qui la mine. Un très beau rôle pour Danielle Darrieux qui y est magnifique.
L'autre grand personnage du film, c'est l'épouse du supposé "père" qui admet la réalité de cette liaison cachée et oubliée de longue date mais qui suspecte (l'instinct de la mère) la supercherie de Danielle Darrieux. Le rôle est tenu par une Valentine Tessier qui fera un chemin notable de la méfiance vis-à-vis de Danielle Darrieux jusqu'à la compassion et à la bienveillance que je laisse découvrir au spectateur. Là aussi un très beau rôle de justice pragmatique et non revancharde.
Et puis finissons par un inhabituel Charles Vanel bienveillant et heureux de cette fille qui lui tombe du ciel et qui s'étonne, secrètement flatté, du petit bouquet de fleurs, chaque matin ... Son regard est émouvant derrière ses rides.
Très belle comédie pleine d'émotion qui n'a pas vieilli ou plus exactement dont la fraîcheur de Danielle Darrieux n'a pas laissé le film vieillir.
C'est un film dont le sujet est du style des films bienveillants réalisés par Franck Capra.