La version longue d'Abyss est la version définitive du film de Cameron. C'est à mon sens la seule version du film qu'il faille regarder; celle qui s'avère la plus proche de la vision originale du réalisateur. La version sortie au cinéma n'est pas mauvaise pour autant, mais fut amputée de tant d'éléments essentiels qu'elle n'est plus qu'un ersatz de la vision originale du réalisateur.
Pour Abyss, James Cameron reprend des éléments de films à succès qui l'ont précédé: la bande de joyeux foreurs sous-marins n'est pas sans rappeler les camionneurs de l'espace du Nostromo dans Alien, certains éléments de l'intrigue rappellent Close Encounters of the Third Kind de Spielberg, la bande de militaire envoyés en mission dans un environnement stressant était déjà présente dans son précédent film qui était justement la suite de l'Alien de Scott,... Bref, Cameron reprend des motifs scénaristiques éprouvés et leur donne un nouvel éclairage en les mélangeants mais surtout en déplaçant tout cela dans un environnement "inconnu", ici les grand fonds marins.
Abyss est sans doute également le dernier grand film de SF à utiliser la guerre froide comme élément moteur de son intrigue, puisque la chute du mur de Berlin surviendra quelques mois après la sortie du film de Cameron.
Abyss est un excellent thriller claustrophobique et paranoïaque où vient s'insérer une touche de merveilleux, le tout dans un environnement hostile et dangereux. Bref, tout ce qu'il faut pour créer un excellent film du genre.
L'originalité principale du film, outre le mélange des genres, vient donc de cet environnement marin filmé avec maestria par Cameron et son équipe.
Il faut dire que le tournage en soi était un tour de force, puisqu'on est à une époque qui ne peut compter sur les effets en 3D pour faciliter la vie des membres du casting et de l'équipe de tournage.
Le tournage s'avère donc pharaonique. Cameron fait remplir un réacteur nucléaire désaffecté de 28 millions de litres de flotte et couvre sa surface de 7 milliards de billes en polypropylène afin d'empêcher la lumière de passer dans l'eau et de donner à ses abysses l'aspect requis. Les incidents de tournages qui se succèdent ainsi que le sale caractère légendaire de James Cameron ont fait rebaptiser le film The Abuse par les acteurs et l'équipe de tournage. Je n'en dirai pas plus, mais je vous conseille au plus haut point le visionnage de l'excellent Under Pressure: The making of Abyss, si vous voulez en savoir plus.
Avec Abyss, James Cameron démontre beaucoup d'ambition. Il veut faire du film l'équivalent pour le film sous-marin de 2001 l'odyssée de l'espace. Il veut également parler de la seule vraie menace qui existe pour l'homme: lui même.
Si la célèbre citation de Nietzche "quand tu regardes l'abîme, l'abîme regarde aussi en toi" se trouve en ouverture du film, ce n'est pas uniquement en guise de clin d'œil, mais c'est parce que les seuls monstres qu'on trouve au fond de ces abysses se trouvent être uniquement des hommes et leurs craintes. La crainte des autres (d'abord des russes puis de tout le monde) pour Coffey, la crainte de l'abandon pour Vrigil "Bud" Brigman, la peur de ses propres sentiments pour Lindsey,...
Mais tout au fond de ces abîmes, lorsque tout est entièrement noir, y subsiste des êtres lumineux qui font appel à notre raison ainsi que quelques mots d'amour comme seuls remparts, seuls alibis, et seules excuses face aux atrocités que l'homme peut commettre. Et même si ça parait dérisoire , voire même cliché, peut-être qu'avec cette lumière qui subsiste tout au fond de nous et cet amour qui caractérise aussi ce que nous sommes, nous pourrons resurgir des abîmes étouffantes dans lesquelles nous nous trouvons parfois pour remonter à la surface, comme le font les personnages du film, vers lumière.
Abyss dans sa version longue est sans aucun doute le film le plus personnel de James Cameron et constitue mon film préféré au sein de la filmographie du réalisateur. C'est un classique de la SF mélangeant les motifs connus du genre (presque jusqu'à la répétition) pour en faire quelque chose de neuf. C'est aussi probablement l'un des plus grands films se déroulant dans un environnement sous-marin. Ses qualités cinématographiques et techniques sont indéniables. Ses interprètes sont impeccables (avec un énorme pouce en l'air pour Ed Harris). Son histoire est palpitante et bien construite. Mais plus que tout, c'est cette petite étincelle de lumière, d'amour et d'espoir au fond de ses plus noirs abysses qui en font un film fort en émotion et par conséquent, une réussite.