Après le fin fond de l'espace avec Aliens, le réalisateur James Cameron entreprend de nous plonger dans les grands fonds marins avec Abyss.
Sur fond de tension internationale (la guerre froide est encore là), suite à un naufrage d'un sous-marin nucléaire américain qui a sombré sur une paroi d'une fosse abyssale non loin de Cuba, après une tentative d'interception d'un engin inconnu et mystérieux, le film met en alerte sur la menace d'un éventuel conflit mondial avec les armes atomiques dont les grandes puissances de l'époque disposent (et encore maintenant). Loin pour l'instant des soucis en surface, l'équipage du Deepcore dirigé par Virgil "Bud" Brigman (joué par l'excellent Ed Harris), une plateforme sous-marine de forage, se voit interrompre son travail afin d'aider l'armée à joindre dans l'urgence le submersible nucléaire perdu.
Parallèlement aux tensions militaires que la situation géopolitique a provoqué, on apprend aussi que le mariage de Bud et de son épouse Lindsey (l'excellente Mary Elizabeth Mastrantonio), une femme de caractère et conceptrice du Deepcore, bat sérieusement de l'aile, ce qui donnera lieu à des échanges tendus au début, avant de voir que le lien qui les unit n'est finalement pas mort dans des circonstances aggravées qu'ils traverseront.
Parmi les soldats de la SEAL expédiés, on retrouve Michael Biehn, acteur récurrent chez Cameron, ici dans le rôle du lieutenant Coffey, devenant le bad guy malgré lui en étant victime du syndrome des profondeurs évoqué lors de la descente le long du câble ombilical qui relie le Benthic Explorer au Deepcore.
Menacé par la crise internationale qui se manifeste et par un ouragan se préparant à faire violemment remuer en surface, tout le petit monde se rend compte qu'il y a quelque chose d'anormal qui vit dans les grandes profondeurs à proximité de la fosse des Caïmans. Des êtres et des engins submersibles emplis de lumières. Pour Lindsey Brigman, cela sera source de curiosité, d'émerveillement, puis d'espoir, tout le contraire du lieutenant Coffey qui, lui, devenant progressivement et dangereusement paranoïaque, reste accroché fidèlement à la mission sous les ordres de l'arrogant général De Marco (J. Kenneth Campbell), qui interprétera les étranges manifestations sous-marines comme une menace sérieuse et supposée russe qu'il faudra écarter, quitte à tout détruire dans les environs, ce qui pourrait mener à l'embrasement de la planète.
Abyss contient des scènes émotionnellement fortes, très fortes même : Je retiens particulièrement celle de la réanimation de Lindsey après que celle-ci se soit noyée volontairement, avec un Ed Harris très convaincant dans cette séquence éprouvante. L'autre scène, c'est la plongée finale de Bud vers le fond de la fosse océanique (4000 mètres de descente, ce n'est pas rien), seul dans l'obscurité isolante, écrasante, silencieuse. Uniquement éclairé par une torche et exposé malgré sa combinaison spéciale au mal des hautes pressions, il sera soutenu en liaison radio par une Lindsey poignante, sa lumière lui parlant intimement dans toute la ténèbre montrant encore un des instants forts de leur liaison amoureuse, jusqu'à la lumière d'en bas.
Autour des personnages évoqués, grand tort serait d'omettre les autres rôles pas si secondaires comme ceux de Hippie, Catfish, Une Nuit, ces trois-là accentuant l'ambiance familiale de l'équipage. Du côté de l'autre camp, le soldat Monk s'avèrera être un allié précieux quand Coffey pétera gravement les plombs une fois tout le monde coupé de tout contact extérieur.
Pour la musique de ce film mélangeant drame, catastrophe et science fiction, Alan Silvestri a composé des moments alternant mystère, inquiétude, émerveillement et tension, faisant ressentir souvent l'abysse obscure insondable qui semble nous scruter en permanence.
Pour terminer, qui se souvient de la version sortie au cinéma avec cette fin bâclée, trop vite expédiée ? L'histoire a pâti des coupures de montage donc, comme d'élaguer un arbre d'une branche importante. C'était frustrant, notamment si on avait lu l'histoire alors novélisée par l'écrivain Orson Scott Card qui va jusqu'à creuser un background aux personnages principaux, limité dans le long métrage seulement aux personnages de Bud et Lindsey Brigman.
Comme pour la version rallongée d'Aliens, James Cameron s'est chargé de faire de même pour Abyss, en rajoutant des scènes supprimées au montage mais qui sont fondamentalement nécessaires à l'histoire dramatique, fantastique et émotionnelle. Cette version longue montre que les extraterrestres révélés au bout ne sont pas là que pour faire joli :
Avec leur technologie basée sur l'eau, les anges abyssaux lancent un avertissement à l'espèce humaine au bord de la guerre en provoquant des tsunamis contrôlés sur tous les littoraux. Ces êtres venus d'ailleurs semblent également contrôler le climat, ce qui apporte une explication quant à la volatilisation de l'ouragan survenue comme un cheveu dans la soupe dans la version cinéma.
Oubliez celle sortie au cinéma en 1989. Voilà la version qu'il faut garder et (re)voir à tout prix.
petites corrections effectuées le 26 mai 2022