Les faubourgs de Rome, ces terrains vagues avec de grands ensembles en construction dans le fond. Ces rues avec de petites bicoques et des enfants qui trainent. Les bandes de ragazzi qui font des conneries à la nuit tombée, près de la voie de chemin de fer.
Vittorio, dit Accattone, traîne ses savates avec une bande de bons à rien. Il fait tapiner Ascenza et fait des défis idiots, genre sauter du pont après avoir mangé. Il a une voiture et des bracelets en or. Mais un jour Ascenza se fait agresser par des voyous napolitains. Elle dénonce d'autres types, qui sont relâchés fissa, tandis qu'elle purge un an de prison pour fausse accusation. Et Accattone perd son gagne-pain. Essaie de revoir sa femme, qui ne veut plus le voir. Invente de combines tordues pour manger des spaghettis. Tombe amoureux d'une blonde, Stella, avec qui il a fait un brin de causette lors de ses errances à la recherche de nourriture. Essaie d'envoyer Stella au tapin. Puis de se mettre au travail, ce qu'il ne supporte pas. Tente finalement un coup comme voleur, mais se fait coincer, car Ascenza, en apprenant qu'il avait une nouvelle gagneuse, l'a dénoncé comme maquereau. Il meurt, dans un accident de moto en essayant de s'enfuir, et dit, le crâne défoncé : "maintenant je me sens bien mieux", puis meurt.
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C'est l'histoire d'une errance. Pas tant une descente aux enfers, puisque le héros y est dès le début, que l'histoire d'un découragement, d'une passion.
C'est aussi un film régionaliste, avec ce parler romain aux accents paresseux si étranges, qui m'a frappé alors que je ne sais pas beaucoup d'italien.
C'est surtout un film social bien dur, comme les Italiens aiment en faire, qui dénonce l'ignorance de ces maquereaux oisifs, et leur lutte pour maintenir les apparences, alors qu'ils donneraient jusqu'à leur alliance pour ne pas crever de faim, alors que la prostitution corrompt tout. C'est aussi un film sur la condition féminine déplorable en Italie, avec la scène d'agression, particulièrement naturaliste et prenante. On retrouve aussi la manière pasolinienne de sublimer les acteurs masculins, et le rapport à la souffrance : violence, mais aussi souffrance de la faim, qui parcourt le film.
Beau travelling arrière d'Accattone essayant de parler à sa femme qui porte son enfant. Le noir et blanc est trs léché, et même la séquence onirique à la fin a quelque chose de naturaliste.
La musique de Bach, très recueillie, revient dans toutes les scènes de violence sordide. Il y a aussi du jazz lors de la scène de la guinguette. En gros ce film m'a appris que quand on entend du Bach, quelque chose de très mauvais va se produire. ^^
Bref, "Accatone" est un très beau film en noir et blanc sur la misère sociale vue à travers les déboires d'un maquereau. C'est drôle comme ce cinéma des faubourgs rappelle celui d'Ozu, la charge sociale en plus.