Quelques mois avant The Mask, la carrière de Jim Carrey prenait son envol par l’entremise d’un autre de ses rôles emblématiques : le détective animalier Ace Ventura. Dans le long-métrage éponyme de Tom Shadyac, la première de leurs trois collaborations (Liar Liar, Bruce Almighty), le célébrissime comédien repoussait toutes les limites en se donnant corps et âme à une intrigue propice aux excès, encore que son visionnage actuel révèle un potentiel clairement mis de côté.
Comme toujours avec l’interprète, l’essentiel de la question réside dans la capacité du spectateur à rire de ses pitreries incessantes, ou du moins de s’en accommoder : les grimaces pleuvent à n’en plus finir, les contorsions sont polymorphes et les répliques absurdes sont légion. Avec sa trame animalière, Ace Ventura conforte alors tout du long ses ambitions cartoonesques, faisant de son sujet un drôle d’olibrius capable de défier aussi bien les lois du bon sens que de la physique (la course-poursuite peut en témoigner).
Infatigable et unique en son genre, force est de constater que le détective se veut amusant au global, certaines lignes de dialogues et autres incongruités faisant diablement mouche. La débauche d’énergie, constante et puissante, de Carrey n’est toutefois pas sans écueil, car si celui-ci ne lève jamais le pied, cette outrance chronique tend invariablement à lasser. Ce qui n’est pas une surprise, bien au contraire, et ne doit pas obscurcir le reste, à commencer par un scénario ne payant pas de mine mais travaillé : certes, l’enquête repose sur quelques ressorts aussi extravagants que son « fin » limier, mais le mystère autour de cette disparition farfelue fonctionne plutôt bien.
L’occasion d’observer le « charme » de Ventura faire des ravages auprès de la gent féminine, tandis que le rebondissement autour de l’identité de Loïs Einhorn va profondément le chambouler : empreint d’un second degré jusqu’au-boutiste et féroce dans leur caractère misogyne et/ou homo/transphobe (Carrey le dira lui-même), le ridicule fondamental de ces quelques séquences permet au film d’échapper à la vindicte moralisatrice (mais pas celle du bon goût). Encore que, le déshabillage du coupable au terme de l’enquête a de telles allures d’humiliation publique que l’on ne s’étonnera pas que certains aient pu s’en émouvoir : il n’était clairement pas nécessaire d’aller jusque-là.
Enfin, nous pourrons regretter qu’Ace Ventura s’en tienne mordicus à son délire initial et ses ambitions comiques, au point d’évacuer tout semblant de nuance quant à la détresse émotionnelle d’un individu ayant tout perdu : d’une part cela accroît la méchanceté gratuite de point évoqué précédemment, et de l’autre cela le cantonne à un carcan bête et méchant, parfois drôle mais souvent risible. Si son statut de divertissement culte s’entend largement, gageons que le long-métrage pouvait ainsi prétendre à davantage, bien qu’il soit entendable que l’équilibre des tons auraient été des plus délicats à maintenir.
Ivre de sa propre démence, Ace Ventura ne sera pas oublié de sitôt.