Après avoir vu et beaucoup apprécié le court-métrage Acide de 2018, lui aussi réalisé par Just Philippot, j'ai eu envie de me plonger dans la version longue.
Cette dernière débute d'une manière plutôt classique… pour un film français : ça parle de crise sociale. Crise sociale qui est donc mise en parallèle avec la crise climatique… pourquoi pas, hâte de voir ce que le réalisateur va faire avec. Curieusement, ça ne commence pas si mal, on devine très vite que les personnages centraux du récit sont ostracisés : l'un pour avoir été un syndicaliste bien vénère, l'autre pour être la fille de ce même syndicaliste vénère. Bref, deux personnages écrasés par le système qui vont devoir se relever durant l'un des pires moments de leur vie.
Le film prend son temps pour démarrer, sans pour autant que cela paraisse trop long, Just Philippot arrivant à créer une ambiance. L'arrivée de la première pluie, à la première demi-heure est réussi, avec des nuages en arrière-plan qui m'ont beaucoup fait penser à du Take Shelter. Pour le coup, rien à dire au niveau de la photographie de Pierre Dejon, certains plans de côté ne faisant que la mettre davantage en valeur (je pense avant tout à celui où le père rejoint sa fille avec les chevaux qui courent en arrière-plan à la fin de cette même première demi-heure). Rien à dire non plus au niveau des effets spéciaux, réussis : le film n'en abuse pas, mais ils arrivent à avoir leur petit effet. J'ai surtout beaucoup apprécié la destruction de la maison vers la fin, avec ce lieu qui incarne la protection qui se transforme en bombe à retardement.
Cela dit, autant Acide ne manque pas de qualités, que ce soit au niveau de sa photographie ou de sa manière de créer une ambiance, autant il tombe dans de nombreux clichés éculés. Si on reprend celui du « film français », la reliance du thème de la crise sociale à celle de la crise écologique, passé la première demi-heure, Philippot n'en fait plus grand-chose, plus rien du tout même : quel intérêt d'insister autant là-dessus ? Pire encore, il enquille de nombreux clichés que le film évitait jusque-là : Selma (Patience Munchenbach) semble bien plus au fait des risques liés aux pluies acides ? Tant pis, le film fait très vite d'elle un personnage totalement dépendant de son père, arrivant même à le blesser grièvement lors de ce climax prévisible et sans aucun intérêt. Quant à Canet, malgré tous les efforts qu'il fait pour se mettre dans la peau de cet ancien syndicaliste ostracisé, on n'y croit pas une seule seconde. Concernant les autres personnages, la mère est le pur cliché de la daronne en conflit avec son ex-mari, quant aux autres, ils disparaissent bien trop vite et on n'a rien à faire d'eux : le long aurait gagné à restreindre son nombre de personnages, à s'éloigner de ce côté famille décomposée. Reste donc ce cliché du daron un peu vénère qui ne montre rien et qui doit protéger un enfant dépendant de lui… comme dans La Route, La Guerre des mondes, le The Walking Dead de Telltale, The Last of Us… un air de déjà-vu en somme.
Dans le dossier de presse, Just Philippot répète à plusieurs reprises son désir de s'éloigner du cinéma américain : c'est raté ! Le film faisant irrémédiablement penser à du Phénomènes, Le Jour d'après, Fog, mais surtout La Guerre des mondes de Spielberg (du beau cinéma européen, vous l'aurez remarqué !). Curieusement, s'il y a bien un cinéma « américain » qu'aurait dû prendre Philippot en exemple est celui d'un Cronenberg, en montrant davantage la destruction des corps humains, en donnant une patine horrifique, voir gore, à son film. Au final, à part une scène de très courte durée allant dans ce sens, à la fin de la première demi-heure, ainsi que la mort de la mère peu avant la fin de la première heure (la meilleure scène du film soit dit en passant), Acide se montre bien trop sage… bien plus sage que le court-métrage qu'il avait réalisé en 2018. Plus fataliste et déprimant, plus cru, indubitablement plus impactant que la version longue, tout en disant peu ou prou la même chose, tout en brassant les mêmes thématiques.
Donc ouai, autant j'aurais effectivement du mal à recommander le Acide de 2023, autant je ne peux que vous recommander le visionnage du court-métrage.