Fade Astra
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À chaque sortie d’un nouveau film de Science-fiction, ledit film se voit être placé directement dans la filiation de 2001: L’Odyssée de l’espace par la critique. Comme une sorte de comparaison obligatoire tant l’œuvre de Stanley Kubrick fonda à tout jamais dans le monolithe la représentation de l’aventure spatiale au cinéma…
Ad Astra, à l’instar de Gravity ou Interstellar il y a quelques années avant lui, n’a à mon sens que peu de lien avec 2001. Il ne parle pas le même langage et n’entend pas proposer les mêmes “réponses” vertigineuses. Tout au plus il se rapproche sur la forme de la poésie futuriste héritée d’Andreï Tarkovski, autre figure tutélaire de la SF, à mi-chemin entre la contemplation de Solaris et l’exploration souterraine de Stalker.
La grande fresque qui chapeaute bel et bien le film de James Gray est inévitablement Apocalypse Now de Francis Ford Coppola. La ressemblance dans ce cas précis est omniprésente, la parenté incontournable. Ce même double-voyage: l’un intérieur face à ses démons, l’autre extérieur à l’allure d’une Odyssée pour s’enfoncer toujours plus loin à la recherche d’une hypothétique vérité au bout de la nuit. La voix-off d’ailleurs, narrée par le personnage de Brad Pitt rappelle furieusement les comptes-rendus hallucinés du capitaine Willard au gré de la traversée dans l’adaptation du roman de Joseph Conrad. Et bien sûr La figure démiurgique/paternelle écrasante en toile de fond, raison originelle du voyage vers l’inconnu. Un Colonel Kurtz devenu fou au Vietnam, l’illustre astronaute McBride perdu à la lisères des anneaux de Saturne….
Malheureusement Ad Astra, contrairement à Apocalypse Now, peine à incarner pleinement le monde qu’il met en branle. Situé dans un futur relativement proche, le film construit un univers foisonnant en apparence mais plutôt que de le développer, il “rush” sa narration pour garder on imagine un certain rythme… Une frustration s’en ressent. On aimerait davantage d’informations sur la lune, devenue une excroissance ultra-libérale de la Terre et lieu de guerre entre différentes factions. Or il ne fait que passer subrepticement sur l’astre. Là n’est pas le propos du film certes, mais plus d’approfondissements ralentiraient-ils vraiment la trame ? Et quid de Mars ? Que s’y passe-t-il ? Pourquoi cette étrange et bestiale “étape” au milieu vers un satellite isolé dans l’espace ? Et d’ailleurs, à quoi servent exactement ces immenses antennes qu’on peut voir exploser dans le prologue ? Ad Astra ne s’embarrasse pas d’expliciter les éléments qu’il montre, ceux-ci servent uniquement de background. James Gray en ne répondant qu’à peu de choses, ne dévie pas d’une année-lumière de sa ligne directrice et c’est bien dommage d’un certaine manière car le film perd en substance et mute progressivement en une sorte d’expédition abstraite et théorique. La volonté du réalisateur, lier l’intime et l’universel, ambition presque consubstantielle à la SF au cinéma, fonctionne parcimonieusement. L’empathie pour les héros, oui. Une émotion ressentie ? Non.
Néanmoins le travail délivré par James Gray, académique dans le bon sens du terme, combiné à la superbe photographie qui souligne avec soin les contours de la galaxie et à la partition épurée de Max Richter confère au film une ambiance presque cotonneuse, très agréable à ressentir durant les près de deux heures du film, qui passent, il faut le dire, relativement vite…
Outre ces manquements, James Gray conçoit un sobre voyage, anti-spectaculaire et pragmatique vers les étoiles. Réjouissant peut-être dans un espace intersidéral parfois trop exacerbé par l’imaginaire agité des cinéastes.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes *Films de l'année* (en attendant de trouver un titre plus original...) et Les meilleurs films de 2019
Créée
le 28 sept. 2019
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