À travers les étoiles et les difficultés

James Gray fait comprendre dans sa vertigineuse séquence d’introduction ce à quoi le spectateur va être confronter avec son Ad Astra : un voyage initiatique intimiste à travers les yeux d’un anti-héros en proie à la solitude face à la froideur et l’immensité de l’espace.


Roy McBride doit essayer tant bien que mal de retrouver son père qu’il ne connaît pas pour arrêter la surcharge électrique qui détruit peu à peu le monde. Roy est seul, complètement seul. Il essaie de remettre la faute sur son père qui l’a abandonné alors qu’il n’était qu’un jeune adulte, mais pourtant rien n’y fait, l’astronaute ne se sent pas à sa place.


Roy (incarné par un Brad Pitt au sommet de sa carrière) se déteste encore plus que le système qu’il entend haïr, qui se sert de lui comme un pantin pour faire le sale boulot. James Gray montre que la société a évolué (colonisation de la Lune et de Mars, nouvelles technologies...) mais que l’égoïsme de l’homme continue toujours de le consumer. Conquérir d’autres planètes n’a fait qu’extrapoler les problèmes déjà bien présents sur Terre (surconsommation, guerre, pauvreté...) et isoler encore plus l’Homme.


Rare sont les protagonistes de films à gros budget hollywoodiens à ne pas être des « yes man » parfaits et irréprochables. Avoir donné un budget aussi imposant pour un film d’auteur ambitieux comme celui-ci est assez rassurant pour le futur de l’industrie, même si celui-ci n’aura pas été rentable par rapport à son coût de production.


Le choix ambitieux mais risqué de suivre un protagoniste avec ses pensées renforce l’isolement dans lequel il s’est lui-même cloîtré. Un protagoniste qui s’embarque dans une quête aux allures mythologiques, qui emprunte de ça et là aux plus grands classiques du cinéma. L’hommage à 2001 : L’odyssée de l’espace est aussi bien visuel que thématique. La séquence avec le primate, largement assumée comme un hommage, n’est pas dénuée de sens. Le singe représente la bestialité de l’être humain, par le prisme d’un animal que nous avons été et que nous sommes toujours en quelque sorte. Ces thématiques sont toujours aussi actuelles 50 ans après et font froid dans le dos.


La quête de Roy pour rejoindre son père est sans doute inspiré par Apocalypse Now de Coppola qu’on pourra comparer à l’obsession qu’a Willard pour le colonel Kurtz. Adulé par certains, exécré par d’autre, le père de Roy tient ici une figure presque divine puisqu’il pourrait décider du sort de l’humanité.


La puissance émotionnelle qui se dégage de certaines séquences est impressionnante, toujours justifiée par le cadre réaliste du film. La direction artistique d’Ad Astra est à couper le souffle, en passant par les environnements désertiques de Mars jusqu’à la monotonie de la Lune ou la froideur de Neptune, c’est un véritable bonheur pour la rétine qui a justifié le déplacement pour les salles en 2019.


On pourrait penser que le film serait plutôt bavard mais James Gray sait parfaitement enchaîner les monologues ou dialogues au profit de longues séquences (toujours moins longues que dans 2001 ceci étant dit) permettant d’admirer l’immensité du vide spatial.


Cependant, quelques enchaînements dans le scénario peuvent paraître un peu facile, probablement la faute à un découpage de certaines séquences pour ne pas trop allonger la durée du film, ce qui est bien dommage.


Ad Astra va bien au-delà qu’un simple film d’espace et propose une profonde réflexion sur la place de l’être humain et sur la solitude avec un voyage qui ira jusqu’aux confins de l’univers.

Dems
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le 5 sept. 2021

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