Fade Astra
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Voici un film qu'il est facile de railler et de détester.
Il est paradoxal, pas entièrement convaincant d'un point de vue narratif, incohérent et scientifiquement douteux, d'après l'expertise de tout un tas de spécialistes de physique spatiale apprise dans les films du genre et sur internet.
Ses défauts ne sont pas tellement bien dissimulés et son pitch n'est pas vraiment important. Le personnage principal se fait promener par son employeur, nous aussi par la même occasion. Au sens propre comme au sens figuré. Jusqu'aux confins de notre système solaire, même.
Rien ne semble a priori plus éloigné du monde cinématographique de James Gray que la science-fiction. Mais c'est également ce qui se disait à l'époque de Lost City of Z, qui le fait passer de la concrete jungle à la jungle concrète (quoi que très fantasmée).
James Gray reste James Gray partout où il pose sa caméra, il fait toujours le même film. C'est un des paradoxes d'Ad Astra. Il traite de l'infiniment grand mais son vrai sujet reste l'individu et sa psyché. C'est un film de science-fiction intimiste, donc très loin des standards du genre.
Là où ce film est exceptionnel c'est qu'il est impossible de nier ses défauts et pourtant ses qualités sont assez grandes qu'elles réussissent à (me) les faire oublier.
Qu'a-t-il pour lui? Déjà il est beau à couper le souffle, hypnotique (y compris dans sa bande-son). Aussi improbable que cela puisse paraître, le style Gray, sa prédilection pour le grain argentique, son attachement à une palette de couleurs qui souligne sa filiation avec les cinéastes des 70's se retrouve jusque dans l'espace (même s'il l'ont y trouve beaucoup plus de couleurs froides qu'habituellement, étant donné le sujet), après s'être retrouvé au fin fond de la jungle.
La scène d'ouverture est splendide, comme le sont les scènes sur la Lune en buggy, sur Mars...
C'est un film de science-fiction très intimiste et très oppressant. On ressent physiquement l'isolement progressif et la solitude grandissante de Pitt, qui s'humanise à mesure qu'il subit les conséquences de cet isolement.
Ce n'est pas l'Espace des films positifs sur la nouvelle frontière. L'Espace, c'est beau à te faire tomber la mâchoire mais cette immensité est désespérément vide et inhumaine. On n'y trouve pas le futur de l'humanité, un voyage au bout du système solaire est surtout un voyage intérieur extrême et dangereux pour l'équilibre mental.
Il n'y a rien et rien à trouver. Il faut accepter comme le personnage de Tommy Lee Jones d'y passer sa vie à chercher, d'y sacrifier tout et tout le monde et que le résultat de cette vie de recherche et de solitude soit vide.
Le message est à la fois abrupt et raisonnablement optimiste: il faut s'y résoudre, nous n'avons que la Terre et nous sommes seuls dans l'univers. Ce qui ne signifie pas qu'il faut renoncer à la quête, encore une fois (Lost City of Z) plus importante que son résultat.
C'est un genre de film écologiste qui n'aborderait pourtant jamais ce sujet frontalement.
Et finalement, ce qui est extrêmement réussi, c'est cette intense sensation de soulagement que j'ai ressentie lorsque Pitt pénètre de nouveau dans l'atmosphère terrestre.
C'est filmé comme une seconde naissance et c'est tout sauf un hasard, jusqu'aux bras qui le tirent vers la lumière. Et l'on ne peut que partager sa joie (premier sourire du film?) de retrouver les bruits, les odeurs, les couleurs et l'humanité.
C'est comme si l'on avait été pendant deux heures privés de nos sens pour qu'ils nous soient rendus. Et ça fait un bien fou.
Créée
le 26 févr. 2021
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