« Adama » est une fable cosmopolite, tant par sa forme que par son fond. Entre peinture, effet stop motion, 3D et autre figures graphiques, la technique évolue selon la complexité ou l’atmosphère de l’action. Ce choix hybride de narration visuelle sert énormément le film, qui au final et de bonne facture, souvent très esthétique, et toujours très expressif au niveau des émotions.
S’il fallait le qualifier en un mot, on retiendrait probablement, la mixité. Par le rendu final dont je viens de parler, et plus précisément par sa portée spirituelle. 1916, alors que l’Europe est à feu et à sang, il existe dans le monde des contrées suffisamment reculées pour ne pas être affectées. C’est le cas du village d’Adama, encaissé dans les vallées en Afrique, où le mode de vie est peu concerné par l’emprise occidentale. Jusqu’au jour où, Samba, son frère décide de quitter sa terre natale pour rejoindre l’autre monde, pourtant craint de la communauté, celui des Nassaras. Adama se lance alors à sa poursuite.
Toute la subtilité de Simon Rouby et de son scénariste Julien Lilty est de créer un récit universel qui repose sur la confrontation deux univers, celui trop confortable où l’on vit et l’autre l’ailleurs aux attraits fantasmés. Le parcours initiatique d’Adama se concentre sur bien plus sur les valeurs humaines que sur un contexte historique réel. Pourtant cette vision « transique toujours au bord de l’irrationnel, s’imprègne d’une dure réalité, le poids des traditions, le pouvoir colonialiste, l’enrôlement souvent « forcé » du peuple africain dans la guerre 14/18.
Certaines scènes sont sublimes, notamment les tranchées à Verdun (les paysages désolés et meurtris, le nuage de gaz…) où là encore la perception de l’horreur touche à immatériel. Bel ensemble également avec les scènes de genre du village, aux tonalités bigarrées de rouge, de jaune et d’orange (la baignade, la cérémonie, la perspective sur les falaises…) Et enfin l’instant très symbolique où Adama veut s’enfuir (ainsi que l’on fait les spectateurs en découvrant « L’arrivée en gare de la Ciotat ») en apercevant l’énorme bateau qui s’approche, la peur de l’inconnu... Toutes ces ambiances flattent l’œil et touchent notre conscience au même titre que la musicalité des dialogues et la musique elle-même (savant mélange de traditionnel et de contemporain).
Rouby et Lilty transforment, la réalité par la vertu des sentiments, Cette vision suggère d’abord la détresse, l’émoi (la séparation, la peur, la mort), puis l’apaisement qu’inspire cet amour fraternel si puissant, la solidarité qui rayonne autour du jeune garçon, transformant ainsi le drame en conte philosophique des plus tonifiants. Avec « Adama », on saisit parfaitement le jeu de l’imagination poétique.