Pour faire un film sur un type qui écrit un film sur une journaliste qui écrit un livre sur un collectionneur un peu taré d'orchidées, il fallait toute la malice et l'ingéniosité de Jonze et Kaufman, qui signent un nouveau film débordant d'originalité (après Being John Malkovitch), un 8 1/2 revu et corrigé par MTV.
Cette originalité vient de la structure peu orthodoxe du scénario et de la mise en abyme très poussée sur laquelle repose le film puisque le personnage principal n'est autre que Charlie Kaufman lui-même, joué par un Nicolas Cage excellent (ici deux pour le prix d'un), qui est confronté à la difficulté d'adapter le roman "Le voleur d'orchidées" et à son frère jumeau (fictif) qui ne cache ni ses ambitions de scénariste ni son manque de talent et qui représente une sorte de version mainstream du personnage principal.
Certes, le traitement des thématiques abordées peut paraître parfois convenu : le manque d'inspiration renvoyé à la monotonie de la vie personnelle, l'usage de stupéfiants pour stimuler l'intérêt pour les plantes (on n'en dira jamais assez les bienfaits); mais c'est l'ambiance étrange et satirique qui y règne tout le long qui fait sa singularité, grâce notamment à une galerie de personnages contrastés : cadres de studios totalement déshumanisés, auteurs en manque d'inspiration (la journaliste Susan Orlean jouée par Meryl Streep et Charlie) dont la voix-off ne cesse de révéler les névroses et les obsessions, et le personnage haut en couleur du collectionneur qui semble paradoxalement être le plus authentique et spontané, et le seul compatible avec la fiction.
Ce dernier finit par passionner la journaliste tant son plaisir de vivre simplement est communicatif. C'est d'ailleurs dans l'histoire la clé de l'inspiration : la passion et la fascination. C'est le désir du scénariste de tout savoir sur la vie de Susan qui le met sur la piste d'une vraie histoire de cinéma. Une histoire certes très hollywoodienne (drogue, sexe, course poursuite et coups de feu), qui pourra au moins satisfaire les standards imposés par les studios.
Ce film délirant se finit sur
Charlie Kaufman réussissant à adapter le roman en question, à moins que ce ne soit Charlie Kaufman réussissant enfin à écrire un scénario sur lui-même essayant d'adapter un roman
... enfin bref, on sort de cette odyssée dans la peau de Charlie Kaufman sur le premières notes de Happy Together en se disant qu'à l'heure où Hollywood nous sert le 15ème Star wars et le 10ème Rocky, il serait bon de se rappeler que le ciné américain (indépendant) est aussi capable de nous offrir ce genre de pépite qui ne ressemble à rien d'autre.