Dupontel ose tout, c'est même à ça qu'on le reconnaît

Mine de rien, Albert Dupontel est l'un des derniers réalisateurs français pouvant créer l'événement sur son nom, surtout après le beau succès rencontré par « Au revoir là-haut » il y a maintenant trois ans. Pourtant, peut-être justement parce que l'attente est forte concernant chaque nouveau titre (surtout ici avec un retour au scénario original), j'avoue avoir été un peu déçu.


Cela part parfois dans tous les sens, nos difficultés à croire cette histoire et certains rebondissements invraisemblables étant un frein évident au lâcher-prise total, idem en ce qui concerne l'utilisation de certains personnages, que ce soit l'évolution de celui interprété par Jackie Berroyer, la volonté de caser tous les fidèles (Michel Vuillermoz, notamment), certains caméos pas spécialement réussis (le duo Grégoire Ludig - David Marsais) et surtout cette grossière erreur de donner quasiment la même importance qu'aux deux héros à cet aveugle souvent réduit à des gags « boum-badaboum ».


Ces problèmes sont aussi dus à une écriture inégale, aussi bien dans sa construction que son humour, donnant presque l'impression d'un Dupontel en roue libre par moments, loin de la maîtrise ressentie dans sa bonne adaptation du roman de Pierre Lemaître. Même certaines scènes, pourtant à fort potentiel, ne sont pas aussi puissantes que prévu, à l'image de la « double déclaration » dans l'ascenseur, point culminant de l'œuvre n'atteignant pas toutes ses promesses.


Maintenant, Dupontel reste Dupontel, et même avec toutes ses réserves, il n'est pas si compliqué pour lui de se distinguer de la masse. Il y a une patte, un ton, une personnalité salutaires, tranchant avec le ton souvent si consensuel à l'œuvre dans nos productions hexagonales. Quitte à être caricatural (son regard pour le moins critique (euphémisme) sur la police), au moins prend-il position, trace un chemin entre burlesque, drame et romantisme (aucun totalement réussi, mais aucun totalement raté non plus), se montre très critique vis-à-vis de notre société (le beau passage où l'aveugle revient dans la ville de son enfance et décrit un endroit qui n'existe plus) et ne semble plus avoir de grand espoir en l'humanité, sans se montrer inutilement sinistre ou péremptoire, portant également un regard ambigu sur les nouvelles technologies devenues omniprésentes.


Enfin, il a eu l'excellente idée d'offrir un rôle à sa mesure à la belle Virginie Efira, signant ici l'une de ses plus belles compositions. Sans oublier un final inattendu et pour le coup assez fort, néanmoins assez logique dans le cheminement construit par l'ami Albert dès le départ. Des manques, donc, le réalisateur retombant dans certains travers de ses titres les moins convaincants, mais aussi un film qui ose des choses, ne les réussit pas toutes, loin s'en faut, mais ayant une âme et assumant de
vrais partis pris : ce n'est pas si courant pour passer à côté.

Caine78
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les meilleurs films de 2020 et Les meilleurs films français de 2020

Créée

le 12 déc. 2020

Critique lue 239 fois

7 j'aime

1 commentaire

Caine78

Écrit par

Critique lue 239 fois

7
1

D'autres avis sur Adieu les cons

Adieu les cons
Sullyv4ռ
8

Les émotifs anonymes

Dans un monde ravagé par le Covid-19 je pense qu'il faut se faire plaisir au quotidien et une avant-première du dernier film de Dupontel tombait à point nommé. Je savais à peu près à quoi m'attendre...

le 6 juil. 2020

117 j'aime

12

Adieu les cons
Plume231
7

Les Temps modernes !

Le nihilisme décomplexé des premiers films de Dupontel a totalement laissé la place à l'humanisme généreux, mais pour voir une œuvre aussi sombre et aussi désespérée (on a envie de dire réaliste dans...

le 22 oct. 2020

109 j'aime

8

Adieu les cons
Zeudhomme
5

Critique de Adieu les cons par Zeudhomme

Le film n’est pas mauvais, Dupontel a clairement un savoir faire et une patte artistique qui lui sont désormais propres, c’est indéniable. Mais dans ce métrage et cette histoire, il y a un côté un...

le 12 oct. 2020

92 j'aime

7

Du même critique

Enquête sur un scandale d'État
Caine78
2

Enquête sur un scandale cinématographique ?

Thierry de Peretti est un réalisateur doté d'une bonne réputation, notamment grâce à « Une vie violente », particulièrement apprécié à sa sortie. J'y allais donc plutôt confiant, d'autant que le...

le 20 août 2022

32 j'aime

8

Mourir peut attendre
Caine78
4

Attente meurtri(ère)

Cinq ans d'attente, avant que la crise sanitaire prolonge d'une nouvelle année et demie la sortie de ce 25ème opus, accentuant une attente déjà immense due, bien sûr, à la dernière de Daniel Craig...

le 7 nov. 2021

29 j'aime

31

L'Origine du monde
Caine78
3

L'Origine du malaise

Je le sentais bien, pourtant. Même si je n'avais pas aimé « Momo », adapté du même Sébastien Thiéry, cela avait l'air à la fois provocateur et percutant, graveleux et incisif, original et décalé,...

le 25 sept. 2021

25 j'aime