...Il était une fin !
Quel crime ai-je commis avant de naître pour n'avoir inspiré d'amour à personne. Dès ma naissance étais-je donc un vieux débris destiné à échouer sur une grève aride. Je retrouve en mon âme les...
le 7 oct. 2021
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Cinq ans d'attente, avant que la crise sanitaire prolonge d'une nouvelle année et demie la sortie de ce 25ème opus, accentuant une attente déjà immense due, bien sûr, à la dernière de Daniel Craig dans le mythique costume de l'agent secret. Attente totalement démesurée tant, comme finalement assez souvent, ce dernier opus déçoit, portant finalement comme des boulets l'aspect doublement événementiel de cette sortie.
Par où commencer... Essayons chronologiquement. L'introduction, sans rien avoir d'exceptionnel, a le grand mérite de sortir du schéma habituellement très strict de la saga, à savoir une bonne grosse scène d'action, certes finissant par intervenir (loin d'être exceptionnelle, comme toutes les autres, d'ailleurs, j'y reviendrais), n'enlevant toutefois rien à cette petite audace. Survient le générique, où manifestement les créateurs se sont dits : « bon, les gars, on a offert un chef d'œuvre avec « Skyfall », on ne va pas non plus s'embêter à chaque fois, on va donc faire une sorte de copier-coller de « Writing on the wall » par la vedette du moment et ça passera très bien ». Résultat : un second morceau insipide consécutif, où le générique semble tout autant pompé sur « Spectre » (en moins bien).
Le reste va ensuite surtout confirmer que de se la jouer féministe à tout prix dans un univers qui y est peu adapté, ça ne peut pas fonctionner, surtout lorsqu'on s'y prend aussi mal. Ça peut paraître basique, mais avoir les personnes les plus adaptées à un projet, c'est essentiel. Je ne doute pas un instant du talent de scénariste de Phoebe Waller-Bridge et suis certain que j'apprécierais « Fleabag » si j'avais l'occasion de la voir. Seulement, 2 heures 43 plus tard, se déroulant par ailleurs à un rythme soutenu, il est évident que l'univers de James Bond, ce n'est pas son truc.
Sur le fond, à peu près tout est raté : on sent qu'il faut AB-SO-LU-MENT être #MeToo, dans l'ère du temps, ouvert d'esprit, féministe, « woke », le terme que vous voulez. Et après tout, pourquoi pas ! Seulement, j'observe attentivement le tournant pris par le cinéma américain depuis la chute de l'empire Weinstein, et je me fais régulièrement la même remarque : tous ces gens ont l'air bien plus préoccupés par les quotas et l'idée de satisfaire les différentes communautés [spoiler](ici principalement afro-américaine [/spoiler] que d'offrir une œuvre digne de ce nom ou de s'interroger sur sa plus-value, ici inexistante. Je n'accablerais pas pour autant Lashana Lynch, l'une des deux nouvelles venues à faire preuve d'une certaine personnalité sans se transformer en caricature ambulante.
Enfin, dommage qu'on ne la voie pas plus, car Ana de Armas est irrésistible, peut-être la seule touche de « modernité » vraiment réussie ici, la « James Bond Girl » que Léa Seydoux rêverait d'être et qu'elle ne sera jamais réellement en deux films et avec un temps de présence infiniment plus important (même si j'avoue l'avoir trouvé en léger progrès ici). Le reste des protagonistes est insipide, les habitués se révélant beaucoup moins intéressants, tandis que les nouveaux sont soit faiblards (David Dencik), soit affligeants (Billy Magnussen), d'autant qu'on ne cherche jamais à les intégrer dignement dans le récit.
On sent constamment une volonté d'à la fois évoquer le passé tout en se montrant résolument tourné vers l'avenir : échec sur les deux tableaux. C'est autant le fait de la réalisation étonnamment désincarnée de Cary Joji Fukunaga, dont on ne ressent jamais la présence, que d'un scénario souvent sans grand intérêt et de dialogues sans la moindre saveur, au mieux banals (les jeux de mots sont aussi fades que prévisibles), au pire médiocres. Le résultat nous laisse ainsi indifférents la plupart du temps, voire franchement crispés devant certaines scènes qui avaient tout pour devenir cultes
(je pense, bien sûr, à l'affrontement Bond - Blofeld, incroyablement poussif et pschitt quasi-total, au passage, j'avoue n'avoir pas compris grand-chose à cet « œil de Blofeld » ne m'ayant pas paru très sérieux).
Et les scènes d'action, donc ? Si « Mourir peut attendre » dispose d'une belle photo apportant un certain cachet et qu'un ou deux moments font leur (petit) effet, dont un que l'on retrouve en partie dans la bande-annonce, elles sont d'une étonnante platitude, ni très spectaculaires, ni très bien filmées, ce dernier volet échouant ainsi même dans son cœur de métier, presque dépourvu de toute violence et donc de sang, donnant vraiment l'impression d'un pur divertissement industriel, ne mettant que trop rarement en valeur les évidents moyens mis en place à la production (décors divers et ultra-dépaysants compris).
Quand au méchant, lui aussi presque « opportuniste » (tiens, qui a eu l'Oscar récemment ? Rami Malek ? OK, on le prend), je n'ai pas souvenir d'en avoir vu un aussi mauvais dans la saga, et clairement de très loin le pire du cycle Daniel Craig. Il est juste... nul, ou presque. L'acteur de « Mr. Robot » n'a ici aucun charisme, se montre souvent agaçant, ni génie du Mal (Lyutsifer... À ce niveau de subtilité, même plus besoin de vanne), ni puissant financier prêt à tout pour s'enrichir, où il faut, évidemment, que celui-ci ait un lien avec le passé d'un des personnages histoire de bien se montrer répétitif avec ce qu'avait proposé « Spectre » voire « Skyfall » précédemment : franchement, on ne pourrait pas juste nous sortir un « bad guy » venu de nulle part ayant envie de mettre le monde à feu et à sang plutôt que ces poussifs retrouvailles « psychologiques » sans grande valeur ? Alors OK, je comprends qu'on veuille « boucler la boucle » des sous-intrigues débutées il y a quinze ans avec « Casino Royale », mais on en revient toujours au même problème : si l'écriture est défaillante à tous les niveaux, cela NE PEUT PAS marcher.
Et puis il y a donc cette fin. Évidemment, c'est elle que tout le monde va retenir (en même temps, qu'y aurait t-il d'autre?), probablement
désirée par de nombreuses personnes ces dernières années
et assumée sans détour, offrant un dénouement apparaissant comme le seul moment fort, et encore, au vu de l'énorme potentiel émotionnel qu'aurait pu offrir celui-ci, je trouve le quatuor Fukunaga - Waller-Bridge - Neal Purvis - Robert Wade (oui, parce que je « m'acharne » un peu sur les deux premiers, mais ils sont deux autres à avoir commis ce scénario défaillant!) pas vraiment à la hauteur dans son déroulement, d'autant que celui-ci ne peut être [spoiler]
qu'un trompe-l'œil.
Toutes ces considérations sont d'autant plus regrettables que si l'incarnation de Daniel Craig n'est pas remise en cause (quoique je suis loin de l'avoir trouvé à son meilleur ici), « Mourir peut attendre » fait basculer son bilan dans le « négatif » avec trois titres peu convaincants sur cinq et, surtout, le fait sortir par la petite porte après des débuts triomphants, même si personne n'oubliera que deux des meilleurs Bond de la saga (dont le meilleur me concernant!) l'ont été sous son « règne ». Je ne suis pas en colère, juste profondément blasé, déçu de voir LE titre-phare de 2021 déboucher sur un tel non-événement, pour ne pas dire l'un des deux-trois plus mauvais épisodes de la saga. Mourir peut attendre ? Sans doute. Ce « n°25 » également.
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le 7 nov. 2021
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