Adieu les Cons, septième long-métrage réalisé par Albert Dupontel, sort dans les salles françaises 3 ans après son précédent film, Au Revoir Là-Haut. Entré par la grande porte à la Cérémonie des Césars, avec 12 nominations, le film en ressortira auréolé de 7 Récompenses (dont les Césars du Meilleur Film et celui du Meilleur Réalisateur).
Suze Trappet (Virginie Efira) est malade. Elle va mourir et elle le sait. Elle décide, avant qu’il ne soit trop tard, de retrouver l’enfant qu’elle a été forcée d’abandonner il y a 28 ans.
Jean-Baptiste Cuchas (Albert Dupontel), qui ne vit que pour son travail, se voit refuser la promotion qu’il attendait. Ne pouvant le supporter, il décide de mettre fin à ses jours… Sans succès.
Celle qui voudrait vivre mais ne le peut pas et celui qui peut vivre mais voudrait mourir vont, contre toute attente, se rencontrer, et par cette rencontre, en s’aidant l’un l’autre, se libérer de la déviance du monde qui est le leur.
Un Monde Malsain
Le monde dans lequel évolue les personnages d’Adieu Les Cons est un monde présenté comme un monde pervers, un monde dans lequel la personne humaine et sa personnalité sont effacés, sans importance. Effacement montré par Albert Dupontel dès la scène d’ouverture, dans laquelle le personnage de Suze Trappet est littéralement masqué par les radios qu’observe son médecin qui, par ailleurs, est incapable de la regarder dans les yeux ou de se rappeler son nom (ce qui sera également le cas de M. Cuchas, dont le nom sera systématiquement écorché par son supérieur). Suze, qui ne se révèle vraiment au spectateur qu’après avoir toussé, n’apparaîtra d’ailleurs à l’écran de façon claire pour la première fois que dans le reflet du couvercle de la poubelle du médecin et ne s’exprimera à ce moment là qu’avec une voix faible, presque inaudible. Cet effacement sera également montré par de nombreux contre-jours dans les scènes d’intérieur (dont la teinte jaune peut rappeler le travail de Jean-Pierre Jeunet), réduisant de ce fait les personnages à l’état de simples silhouettes.
Dans ce monde déviant, l’humain est littéralement enfermé par le travail. On nous montre ainsi des employés de bureau dans des box, identifiés uniquement par un numéro au-dessus d’eux et sans contact avec ceux qui les entourent, ou encore le personnage de Jean-Baptiste Cuchas, encerclé par des ordinateurs, et dont on ressent, dès sa première apparition à l’écran, la profonde solitude (Solitude qui sera accentuée plus tard par la révélation de son incapacité à dire « Je t’aime »).
Ici, le travail tue, (Suze souffre d’une maladie professionnelle auto-immune) ou on se tue au travail (M. Cuchas décidant de mettre fin à ses jours dans son bureau).
Des Ecorchés Magnifiques
Adieu Les Cons présente à son public une galerie de personnages particulièrement touchants. Suze, femme mourante qui recherche son enfant disparu, ou M. Cuchas, solitaire incapable d’exprimer des sentiments qu’il craint, bien sûr, mais aussi le Docteur Lint (interprété par Jackie Beroyer), atteint de la maladie d’Alzheimer et surtout, le personnage de Serge Blin, archiviste aveugle. Sans doute l’un des rôles les plus attendrissants de Nicolas Marié.
Dupontel offrira d’ailleurs à ce personnage de non-voyant l’un des moments de poésie du film : Après avoir aidé Suze autant qu’il le pouvait aux archives, M. Blin lui proposera de lui décrire le trajet jusqu’au point qu’elle cherche à atteindre. Alors que les deux personnages sont en voiture et que M. Blin tente d’indiquer la route à suivre à Suze, la caméra reste braquée sur la vitre du côté passager, ne montrant jamais la ville directement mais la laissant se refléter dans la vitre ; le reflet se superposant ainsi aux souvenirs énoncés par l’aveugle.
C’est la rencontre de tous ces personnages hauts en couleur qui fera comprendre à nos héros que le meilleur moyen pour se libérer de ce monde anxiogène est… l’amour.
L’Importance de l’Amour et de la Bienveillance
C’est une leçon bien simple, candide peut-être diront certains, et pourtant si belle que cherche à nous transmettre le film d’Albert Dupontel : L’important, dans une vie, c’est d’aimer.
C’est la bienveillance de M. Blin envers Suze ainsi que l’aide que lui fournit M. Cuchas qui permet à cette dernière d’enfin accomplir sa quête. C’est leur rencontre avec Suze qui permet à M. Blin d’affronter sa peur et à Cuchas d’enfin admettre et révéler ses sentiments. C’est l’amour encore, qui permet au Docteur Lint de repousser sa maladie suffisamment longtemps pour quitter son fauteuil roulant, fuir de l’hôpital et rejoindre son épouse.
Enfin, c’est le seul message que laissera Suze à son fils (personnage dont on peut regretter qu’il ne soit en réalité qu’une redondance du personnage de M. Cuchas) : « « Je t’aime ». Ce sont les mots les plus importants à dire dans une vie. »
C’est une œuvre pleine d’humanité que nous offre Albert Dupontel ; une fable qui parle de la mort, mais avec beaucoup de vie ; un conte sur la difficulté d’exprimer ses sentiments dans un monde oppressant ; un film qui ne nous demande qu’une chose : Savoir aimer… et Adieu les cons !