Polar politique français typique des années 70, Adieu poulet est un bijou de sobriété et d’efficacité. Ce portrait au vitriol du pouvoir donne à voir une formidable galerie de personnages, tous parfaitement croqués et tous remarquablement interprétés. Adieu poulet est le film d’une époque : celle d’une société en pleine mutation où on aime brocarder les jeux de pouvoir et où excellent plusieurs générations d’acteurs. Servi par d’excellents dialogues d’un Francis Veber déjà très inspiré autour d’un scénario malin, le résultat est d’une précision chirurgicale. À partir d’un canevas plutôt simple et d’une enquête relativement pauvre, le film tient sur les éclairages qu’il envoie en direction de tel ou tel personnage. Du personnage principal incarné par un Lino Ventura, toujours formidable quand il s’agit de jouer les éléphants dans le magasin de porcelaine, au petit rôle du juge d’instruction pervers interprété par Claude Rich, l’ensemble est un régal absolu.
La distribution y est pour beaucoup. Patrick Dewaere est un jeune chien fou qui en fait juste ce qu’il faut, Victor Lanoux incarne une belle ordure avec le petit sourire placé là où il faut, Pierre Tornade un commissaire ambitieux bien trop creux, Julien Guiomar un directeur de la police qui tente de concilier l’inconciliable, Claude Brosset un sale type dangereux. Tout ce petit monde récite sa petite musique qui fait la réussite de cette formidable symphonie. Un peu d’action, quelques répliques cinglantes, la gueule de Ventura quand il n’est pas content et qu’il va vous rentrer dans le lard, un récit qui marche toujours sur le long de la banquette et un final qui montre où conduit l’entêtement des uns et des autres, autrement dit nulle part, dans cette formidable réplique qu’est « Il est à Montpellier, Verjeat ».
Cette réplique finale que je réécoute, dans un frisson, toujours comme une madeleine de Proust, c’est le cinéma français des années 70. Des acteurs remarquables jusque dans les plus petits rôles, des dialogues aux petits oignons, quelques baffes, un scénario audacieux, une réalisation ordinaire mais efficace, la musique toujours soignée de Philippe Sarde, les vieilles bagnoles de l’époque, la crasse naissante dans les villes. Autrement dit, le cinéma qui a bercé mon enfance.