Ayant seulement vaguement entendu que c'était un film plus ou moins contemplatif, poétique, sensible, alors que le seul film que j'avais vu du réalisateur était le fameux Calvaire que personne n'oserait décrire de cette manière en dehors d'un second degré certain, je rentrai légèrement hésitant mais aussi bien curieux dans la salle de cinéma. Ce qui marque tout de suite dans le début d'Adoration est le refus de Fabrice Du Welz de contextualiser son intrigue. Nous embrassons totalement le point de vue de Paul et nous sommes balancés avec lui dans un certain lieu et une certaine époque. Il y a bien la présence de quelques objets de notre époque (téléphone portable...) mais le début nous place dans une sorte d'asile psychiatrique en pleine campagne venu d'un autre temps.
Adoration suit donc Paul, un jeune garçon semblant un peu différent, simplet, mais profondément gentil. Ce dernier va évidemment croiser le chemin d'une jeune fille pour laquelle il va développer une sorte de fascination amoureuse. La jeune fille s'appelle Gloria, prénom signifiant "gloire" en latin, inutile de vous faire un dessin sur le rapport entre ce choix de prénom et le titre du film. En effet, c'est un véritable culte amoureux que va rendre Paul à Gloria, l'amour absolu (que dis-je, la passion !) est certainement le thème principal du film. Je ne vous fait pas un dessin non plus sur la signification de la couleur rouge des vêtements que porte le jeune fille.
Face à cet amour absolu, c'est bien la maladie de Gloria qui va mettre en mouvement l'intrigue du film : chaque fois que le couple semble enfin trouver la paix et une certaine stabilité dans leur amour, l'espèce de délire de persécution ou de paranoïa intense dont souffre Gloria va tout balancer en l'air. Et Paul la suivra quoiqu'il arrive. Jusqu'au bout. Pour toujours.
Certains seront peut-être agacés par Gloria qui est un personnage frustrant en ce qu'il "fout tout en l'air", qui crie, qui violente Paul, et pourtant il est bien difficile de reprocher au cinéaste l'écriture de ce personnage. Gloria est d'abord ambiguë : au début il est difficile de savoir si elle est vraiment malade, et nous pouvons même douter parfois de son amour pour Paul, peut-être le manipule-t-elle pour s'enfuir après tout ? Et puis le film nous éclaire, il est évident qu'elle est également passionnée par son amoureux, mais aussi qu'elle est profondément malade, sans jamais tomber dans quelque chose de pas crédible, d'excessif. En ce sens le traitement de la maladie mentale dans ce film m'a paru assez juste et peu artificiel, et pourtant nombreux sont les films caricaturaux sur ce sujet.
Et puis il y a ce personnage joué par Poelvoorde qui arrive bien tard dans le film, et qui, d'un coup de maître, nous touche profondément en l'espace de seulement quelques minutes d'apparition grâce à une scène d'une beauté extrême où celui-ci nous parle de son ancien amour. Là où l'amour du personnage de Poelvoorde relève du passé, il s'agira pour Paul et Gloria de rester côte-à-côte, main dans la main, glissant sur l'eau pour l'éternité, à l'image de leur amour.