Fabrice Du Welz, depuis Calvaire en 2005, continue à tracer sa route (atypique) au sein de la production cinématographique française (et belge), et rien que pour ça, et pour sa fièvre cinéphile, et pour son dévouement au septième art, et pour son zèle, et pour sa grande gueule, on l’aime, Du Welz. Mariant le genre à un réalisme dur (dégénérescence sociale, tsunami de 2005, fait divers sordide…), quand il ne s’essaie pas, avec plus ou moins de succès, au polar de commande (Colt 45 et Message from the king), Du Welz tente cette fois de revisiter le conte de fées façon drame de l’enfance, voire teen movie exalté. Envie, effort de renouvellement bienvenus (Du Welz a dit vouloir sortir de sa zone de confort, «danser sur un volcan»), mais peu concluants au final.


Sur une trame narrative pas franchement originale que Du Welz n’essaiera même pas de chambouler un peu, Adoration essaie tant bien que mal de nous emporter dans un tourbillon de cinéma et de sensations. Venant clore sa «trilogie des Ardennes» (après Calvaire et Alleluia) où Du Welz explore le thème de l’amour pur altéré par la déraison, Adoration s’éloigne du côté craspec des deux premiers volets pour s’aventurer vers des contrées plus oniriques. La rencontre amoureuse entre Paul, adolescent solitaire à l’écoute de la nature (et des oiseaux en particulier), et Gloria, jeune fille schizophrène échappée d’un institut psychiatrique, et fuyant tous les deux, main dans la main, un monde d’adultes (un monde de raison ?) dont ils se sentent exclus, en opposition constante, promettait une sorte d’hommage singulier (et revendiqué) à La nuit du chasseur, film préféré de Du Welz. Même si celui-ci dit s’être davantage inspiré d’un réalisme poétique à la française convoquant Carné, Cocteau et Franju.


Mais alors pourquoi rien ne fonctionne ? Pourquoi le film n’est qu’un long tunnel d’ennui où ne se dégage ni force ni empathie ? Où l’on ne ressent que trop rarement la fureur et la fragilité d’une passion que l’on sait vouée au tragique ? Outre un scénario sans surprise (et jamais loin d’accumuler les poncifs sous couvert d’une soi-disant naïveté des deux personnages) qui réduira le périple de Paul et Gloria à quelques embûches inintéressantes et autres rencontres inutiles (le couple sur le bateau, Benoît Poelvoorde en homme usé par la vie…), Adoration souffre d’un rythme mal maîtrisé qui fait de cette fugue sentimentale jusqu’à la folie un interminable voyage peu convaincant. Et si Thomas Gioria, repéré dans Jusqu’à la garde, s’en sort plutôt bien, Fantine Harduin, et malgré tout son (prometteur) talent déjà à l’œuvre chez Michael Haneke, a tendance à surjouer la démence, et ses crises laissent très souvent de marbre, voire frôlent le ridicule. Ne reste qu’une mise en scène inspirée et la superbe photographie de Manu Dacosse pour éventuellement nous contenter, mais c’est si peu...


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le 22 janv. 2020

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