Voilà quelques temps déjà que je commençais à lire des retours élogieux au sujet du nouveau film du réalisateur belge Fabrice Du Welz, Adoration. L’enthousiasme qu’il a su provoquer a naturellement placé ce film parmi les attentes importantes de ce début d’année.
Au fil des années, le cinéaste a su se faire une place de choix dans le cinéma de genre, avec pas moins de six long-métrages à son actif, en commençant par Calvaire, en passant par Vinyan et Alléluia jusqu’à, donc, Adoration. Faute d’avoir pu me plonger auparavant dans cette filmographie variée et remarquée, ma première rencontre avec le cinéma de Fabrice Du Welz se fit donc avec Adoration. Nous voici en compagnie de Paul, jeune adolescent timide et solitaire, qui rencontre par hasard Gloria, patiente internée dans la clinique où travaille sa mère. Cette rencontre bouleverse Paul, qui voit sa vie et sa vision des choses durablement changer à partir de ce moment. Démarre, alors, une inlassable fuite, loin de tout.
Dans l’histoire, Paul promet à Gloria de retrouver son grand-père en Bretagne, pour fuir le joug d’un oncle trop intéressé par son héritage. Mais les apprentissages qui vont découler de cette échappée seront sources d’autres révélations. Dans Adoration, Fabrice Du Welz nous convie à un périple initiatique au fil de l’eau et de l’adolescence, ici décrite au gré de l’évolution de la relation entre Gloria et Paul, et de leur relation avec le monde qui les entoure. L’adolescence est en effet le thème principal d’Adoration, et il parvient à l’aborder avec beaucoup de justesse et de pertinence. Pour cela, le cinéaste fait naître des sentiments amoureux entre ses personnages, essentiels au développement des réflexions ici proposées.
Cette relation amoureuse a un intérêt double. Le premier, c’est d’illustrer l’éveil amoureux, la découverte des sentiments, à la fois inquiétants et exaltants, un saut vers l’inconnu, comme beaucoup de choses à une période de la vie où tout change et est remis en question. Le second, c’est d’offrir une vision symbolique de l’ambivalence de l’adolescence, à travers les personnages de Gloria et de Paul, aussi opposés que complémentaires. Paul est assez réservé, calme, dans le doute, et encore attaché à sa mère. Gloria, quant à elle, est défiante, fougueuse, rebelle, trahie par son entourage et un monde d’adultes en lequel elle ne croit plus. Les deux se comprennent et s’aiment, tout en se confrontant parfois. Paul est la facette « docile » de l’adolescent, il est même encore un enfant sur bien des points, quand Gloria incarne l’émancipation. Mais l’un est essentiel à l’autre, le premier tempérant la seconde, évitant la destruction par la colère, quand la seconde pousse le premier à la révolte, évitant la destruction par la soumission. Cette vision rend alors le discours d’Adoration, et le cheminement qu’il suit, bien plus limpide, le travail sur la forme permettant de compléter la beauté de cette réflexion poétique sur l’adolescence.
C’est ainsi que la mise en place d’un équilibre devient possible, pour voguer sur les flots d’une rivière, perdus au beau milieu de la nature, embellie par la photographie de Manuel Dacosse, avec ce grain particulier qui semble donner un côté à la fois daté et hors du temps au film. La musique de Vincent Cahay contribue à l’atmosphère hypnotique qui se dégage d’Adoration, conte aussi féerique que brutal, qui nous fait nous égarer loin de tout, parvenant à cerner l’adolescence de fort belle manière, quand elle est pourtant l’une des choses les plus difficiles à cerner. Le cinéaste belge réussit son pari en signant un très beau film, porté par son duo de jeunes acteurs ici très bien dirigés, incarnant les troubles d’une période charnière de la vie, pleine de chamboulements, où il faut se perdre pour mieux se retrouver.
Critique écrite pour A la rencontre du Septième Art