A l’image d’un slogan évoqué avec un beau sens de l’autodérision, le film est probablement réalisé avec trois fois rien, sinon beaucoup de cœur et de bonne volonté. La volonté de parler de Madagascar, de façon à ce que celles et ceux qui ont un minimum de curiosité aient quelques éléments pour savoir à quoi s’en tenir.
Pour son premier long-métrage, le réalisateur présente ce qui lui tient à cœur de la réalité malgache du moment, avec des choix me semble-t-il particulièrement respectables. Parmi les personnes montrées, on voit des anonymes qui gagnent leur vie comme ils peuvent. La pauvreté est une réalité que beaucoup affrontent au jour le jour avec beaucoup d’énergie, au point que les Malgaches ont acquis la réputation d’être les rois du petit bricolage (Ady Gasy évoquant ce que nous français appelons le système D, l’expression recelant un sens dans plusieurs domaines), ce que le film illustre largement, avec conviction et sincérité. Cela va de l’agriculture aux recyclages les plus divers, en passant par l’examen des poubelles. Comme le dit l’un de ceux qu’on suit, si les Chinois fabriquent des objets, les Malgaches les réparent. Une séquence filmée dans une imprimerie montre que la machine peut s’enrayer (allusion à Chaplin : Les temps modernes ) au moment d’agrafer le code des impôts…
Le propos du film sous-entend les effets de la mondialisation, abordant ainsi l’aspect politique de différentes façons. L’un des hommes qu’on observe évoque la classe politique malgache, en déplorant l’instabilité politique du pays ainsi que la faillite morale des dirigeants. On peut regretter que cet aspect ne soit qu’évoqué au passage, car il semblerait que la richesse naturelle du pays ait été dilapidée. Doit-on y voir l’inconséquence de quelques dirigeants peu scrupuleux ou bien la conséquence de quelque chose qui dépasse largement la responsabilité de quelques-uns ? On remarque également le raisonnement d’un autre qui regrette les effets de l’accroissement de la liberté dans plusieurs domaines. Mais, n’est-ce pas surtout une maladresse de langage ? Il me semble que cette personne déplore surtout la montée du libéralisme sauvage, auquel cas Madagascar serait plutôt victime d’un phénomène global qui le dépasserait complètement.
On a donc des femmes et des hommes qui vivent de peu, font de la musique, de la danse, des bricolages maison, discutent et cherchent à préserver leur identité nationale en transmettant leurs coutumes (la tradition de l’art oratoire par exemple, avec son organisation quasi rituelle). La pauvreté, ils en font une sorte de fatalité. Et ils tentent de la dépasser en se consolant avec un état d’esprit positif, leur luxe étant la beauté de l’âme. Voilà qui est infiniment respectable (notion à laquelle ils sont particulièrement attachés), même si on peut déplorer qu’ils en soient arrivés là. D’ailleurs, le discours général est que la seule solution pour que la vie soit meilleure là-bas, serait la solidarité. Un raisonnement évident qui malheureusement se heurte régulièrement à la réalité, à Madagascar comme ailleurs. Le bon sens malgache rappelle que l’avenir des hommes dépend de tous. Les privilégiés d’aujourd’hui risquent d’être confrontés à l’imprévu. En cas de catastrophe mondiale, la débrouillardise des Malgaches pourrait les rendre plus aptes que d’autres à survivre. Ceci dit, le bon sens malgache se délecte bien davantage de proverbes imagés à tendance humoristique (citation approximative « Si le rocher est dur, il ne peut rien dire, c’est pourquoi les oiseaux lui chient dessus »), que d’histoire post-apocalyptiques.
Un documentaire filmé en toute simplicité, avec un état d’esprit irréprochable invitant le spectateur à la tolérance. Son mérite n’est pas seulement de parler de Madagascar, pays méconnu. Il invite à une vraie réflexion sur l’avenir de l’humanité. Car, comme le fait remarquer le jeune homme qui intervient au début et à la fin du film, nous vivons tous sur Terre à la manière des passagers d’un même bateau.