Découvert trop tardivement par mes soins, Aelita n'est ni plus ni moins que le tout premier film de SF de l'URSS, ce qui en fait évidemment un produit cinématographique historique. Pourtant, si succès public il y eut, le succès critique ne fut pas spécialement au rendez-vous, au point que le film retomba dans l'oubli. Ce qu'il m'a été amené à dire est que la Russie et in fine l'URSS de jadis ont une conception très singulière de la SF par comparaison avec l'Occident. L'on y retrouve une identité diffuse, une façon de concevoir la structure narrative et l'essence même fictionnelle. Que l'on ne se trompe pas, Aelita fait partie de ceux-là. Reconnaissable entre mille, ce qui en fait un très bon point, le film exerce son propre style avec panache tout en préfigurant déjà la conquête spatiale lors de la fameuse Guerre Froide survenant 40 ans après (à la grosse louche). Exit la Lune et place à Mars que nourrissaient déjà les scientifiques optimistes et parmi eux Loss qui se plaît à s'imaginer une civilisation martienne guerrière où son égérie est la reine Aelita qu'il défend.
Yakov Protazanov tenait entre ses mains un potentiel monstrueux. S'il avait été utilisé pleinement, nous aurions très certainement eu l'un des plus grands films du muet, voire même de SF. Hélas, son exploitation n'en fut que parcellaire. Primo, si SF il y a (et heureusement), l'essentiel de l'histoire se centre un peu trop dans le réalisme de la Mère Patrie, occultant alors les merveilles architecturales rétro et les costumes ultra kitsch qui durent certainement causer un travail titanesque aux décorateurs. On ne s'envole pas assez dans le monde de Aelita qui ne nous est pas décrit suffisamment. Le scénario n'est pas assez étoffé et d'autant plus, le montage est d'une brutalité assez surprenante. J'avais eu peur que mon absence d'une compréhension totale ne toucha que moi mais visiblement ce ressenti est partagé par plus d'un. Haut les coeurs, je ne suis pas une larve !
C'est d'autant plus dommage car comme je l'ai dit, Aelita ne souffre d'aucun autre défaut entre une superbe OST, des cadrages tip top, des acteurs dont l'interprétation est on ne peut plus correcte et bien sûr le monde martien à tomber à la renverse. On a presque l'impression que Protazanov n'a pas osé aller plus loin dans son délire et ce fut rédhibitoire. Aelita est malgré tout un bon film mais la désillusion est grande.