La Roumanie des années 1800 n’est pas le cadre de vie le plus agréable qui soit.
Déjà c’est dans les années 1800, une époque où l’on vit entassé les uns sur les autres comme de vulgaires tas de foin mal rangés dans des baraquements où les rats se promènent gaiement ou alors dehors, recroquevillé dans sa propre crasse avec les poules et les cochons. Et puis c’est en Roumanie, un pays qui n’est pas vraiment réputé pour son cadre de vie idyllique, encore aujourd’hui.
Alors la Roumanie des années 1800, je ne vous dit pas.
C’est dans cette Roumanie des années 1800 que nous plonge Aferim ! avec son affiche pastel incandescente intrigante et son synopsis a vous faire sortir les yeux de leurs orbites de quelques millimètres.
Constantin, brigadier imposant qui parle à peu près tout le temps et son fils discret qui ne parle pratiquement jamais partent à la recherche d’un esclave tzigane en fuite. Ils parcourent la Roumanie, tranquillement installés sur le dos de leurs montures, et voit les paysages défilés au même rythme que les personnes étranges qu'ils rencontrent en chemin. Ils passent de la foret plongée dans l’ombre de ses immenses arbres aux montagnes escarpées surplombé de quelques nuages, des longues plaines d’herbes sèches aux marécages moites et silencieux, des tziganes orpailleurs repliés dans la foret aux prêtres en détresses aux théories loufoques, des brigadiers qui les font chanter aux petits fermiers qu’ils font parler. Des petits villages miteux à l’immensité sublime de la nature.
Prêtres, Tziganes et prostitués
Constantin comme la quasi-totalité des personnes qu’il rencontre, qu’ils soient nobles, prêtres, hommes d’armes, paysans, voyageurs, tziganes, prostitué ou taverniers s’expriment à grands renforts de légendes historiques abracadabrantesques, d’un mélange explosif de foie religieuse et de superstitions ancestrales, de phrases supposément profondes mais complétements burlesques sur le sens de la vie et d’attaques haineuses sur tout ce qui ne leur ressemble pas. Des personnages profondément ignorants persuadés de tout savoir, persuadés de filer droit, persuadés d’être de parfait petits enfants de dieux, même quand ils commettent les pires atrocités. Des personnages qui sont les figures oubliées d’une histoire oubliées. L’histoire des Tziganes esclaves vendus contre quelques pièces au milieu des bœufs et des œufs, l’histoire de la domination outrageuse des seigneurs sur un peuple ravagé par la pauvreté, l’histoire d’une société fonctionnant à la corruption, l’histoire des prêtres qui prêchent les mauvais préceptes de leurs bonnes paroles, l’histoire des revendications qui se noient dans le sang.
Poursuites, bagarres et dialogues surréalistes
Aferim ! c'est un western roumain empruntant les codes du film historique qui est aussi un film d’aventure bavard où s’enchaînent poursuites, bagarres, beuveries et dialogues surréalistes. C’est d’une noirceur imparable et d’un humour dévastateur, c’est d’une beauté cristalline et d’une crasse laideur. C’est profondément dérangeant et étrangement fascinant. On peut aussi être vite lassé par la multiplication des propos odieux, la grivoiserie permanente et la multiplication des histoires racontées, des lieux traversés, des personnages rencontrés.
La Roumanie des années 1800 n’est définitivement pas le cadre de vie le plus agréable qui soit. Mais la Roumanie des années 1800 se retrouve étrangement dans l’Europe des années 2010. Une Europe des années 2010 où les Tziganes devenus Roms sont rejetés partout où ils se trouvent, où le fossé entre les riches et les pauvres ne cesse de se creuser, où le rejet de l’autre, qu’il soit noir, jaune, blanc, homme, femme, grand, petit, boiteux, ou n’importe quelle autre caractéristiques d’une liste infinie se porte toujours aussi bien.