La nuit nous appartient
"After" a su raviver en moi la flamme qui m'habitait, quand j'allais dans des raves. Ah l'usine Mozinor à Montreuil, la champignonnière à Sèvres, les raves à Beaubourg, à la Défense, dans les...
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il y a 5 jours
"After" a su raviver en moi la flamme qui m'habitait, quand j'allais dans des raves. Ah l'usine Mozinor à Montreuil, la champignonnière à Sèvres, les raves à Beaubourg, à la Défense, dans les forêts... tout cela est bien loin maintenant, et le plaisir de retrouver cela dans un film altère sans doute mon jugement sur l'oeuvre. C'est ainsi :) Le film débute par un court plan de rue, l'entrée d'un parking souterrain taguée, puis des vues en plans fixes de ce parking désert, aux colonnes brutalistes, pour enfin glisser vers une porte d'où émane une lumière rose, le lieu de la fête techno. Anthony Lapia a le sens du contraste puisqu'au silence et au vide des images précédentes, il passe à un écran saturé de visages en très gros plan et de ( bonne) musique techno. Cette séquence durera environ dix minutes, où les visages sont scrutés au plus près de leurs émotions. Toutes les sensations, contentement de la danse, de ce qui l'a provoquée, sont captées; les visages se rapprochent, s'effleurent, s'embrassent parfois... cette très belle séquence, où l'on lit les rares dialogues sur les lèvres montre avec justesse cet état de jouissance ressentie. Tout aussi brusquement, une petite pause arrive, où les danseurs rechargent les batteries, qui, cocaïne, qui ecstasy, qui poppers, qui pétards... c'est montré très simplement, comme une évidence et cela fait du bien, ce regard apaisé de la vision du monde des fêtards... Attentif à chacun, le réalisateur toutes sortes d'actions, de la prise de drogue, à la cigarette fumée, au repos rêveur... puis la fête reprend, avec la sensation d'une montée en puissance, due aux drogues consommées... c'est un tour de force que de capter cette sensation là. Encore une longue séquence de danse, puis deux personnages décident de quitter la fête. Nous les avons approché durant les scènes précédentes, et quelque part, nous sommes heureux que ce soit ces deux là... Encore un plan de rupture : une forêt en plan fixe qui s'avère être le revêtement de la porte d'entrée de l'appartement de la jeune femme. Le saisissement de l'effet de contraste joue encore. La suite alternera les scènes d'intimité entre, donc, Félicie & Saïd, respectivement avocate et chauffeur de VTC, et les scènes de fête. Jusqu'à un plan noir, qui nous prend par surprise, panne de secteur qui donne droit à des scènes plus sombres de la fête, les danseurs devenant des abstractions en mouvement, des portraits à la Francis Bacon. La caméra au long de la soirée élargit ses plans sur les corps, qui finissent par se dénuder, c'est qu'il fait chaud à danser:). Félicie & Saïd sont très sensuels, on retrouve avec plaisir Louise Chevillotte et l'on découvre Majd Mastoura. Ils ont des conversations éclairantes sur eux-mêmes , leur vision du monde, et la nuit festive continue des deux côtés... le discours à un moment se fait éminemment politique et l'on peut ressentir les visions justes de l'auteur sur l'état du monde actuel. Un portrait du Pérugin (15ème siècle) affiché chez Félicie est comme une porte d'entrée.
La nuit passe, lui succède un matin, lendemain de fête, Saïd, réveillé par un vibreur se lève, laisse un mot, part, et nous le retrouvons au volant de sa voiture, dans un Paris désert et grisâtre... Jean Sébastien Bach En fond sonore. jusqu'au blanchiment extrême de l'image. La voiture s'arrête, on entend une clameur qui s'amplifie, manifestation ? After ? Fondu au blanc. En 1 h 10, le metteur en scène réussit ce que Gaspard Noé avait raté dans « Climax » : donner une vision positive, hédoniste de la fête, et incarner ses personnages. C'est très beau :)
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