Qu'il est dur de se renouveler. Comme beaucoup avant lui, pour ne citer que Clint Eastwood, prisonnier dans son rôle de cow-boy, Arnold Schwarzenegger s'est vu confié récemment des rôles beaucoup plus sérieux et dramatique que ce à quoi il nous avait habitué avec la saga Terminator, Predator, Commando, Conan, etc... Avec le très remarqué Maggie (mais pas pour autant unanimement apprécié) sorti en 2015, semble commencer une nouvelle période de la filmographie de l'ex-Gouverneur de Californie - même si l'on a pu lire récemment sa volonté de tourner trois nouvelles suites de Terminator.
Ainsi cette année nous était donnée la possibilité de voir, non pas au cinéma mais directement à la maison, Aftermath, un drame réalisé par Elliott Lester. Tiré d'une histoire vraie, ce film nous propose de suivre Schwarzenegger dans la peau de Roman, un père de famille ayant perdu sa femme et sa fille dans un accident aérien et Jake, contrôleur aérien, qui, suite à une négligence est considéré comme le responsable dudit crash.
Voilà pour l'introduction de l'histoire. Le film partait avec de très bonnes intentions et beaucoup de promesses car en effet, à la seule lecture du synopsis, les conflits et thèmes qui seront abordés sont très clairs et intéressants: la rage, le pardon, le deuil, la culpabilité, le remords et la reconstruction.
Cependant, lorsque le rideau se lève, l'incompréhension et la sensation d'incohérence subsistent. Il est toujours très dangereux d'adapter une histoire vraie. Un tel film limite les prises de liberté au scénariste et ne lui permet pas de laisser aller toute sa créativité. De plus, quiconque ayant une connaissance des faits ou de l'histoire auparavant ne sera nullement surprise devant le déroulé des événements. Cependant, l'artiste qui souhaite adapter une telle histoire a forcément en tête un message qu'il veut faire passer, et peut donc transcender son œuvre, la rendre légèrement différente, la romancer, accentuer les points qu'il souhaite étudier... Ici, tous les thèmes évoqués plus haut sont abordés, mais de manière très maladroite sans que l'on puisse au final savoir ce que le réalisateur a voulu nous dire, quel message il a voulu nous transmettre.
Tout commence avec Roman, qui une fois au courant de la nouvelle, est dévasté. Il participe aux recherches, à l'investigation sur les lieux du crash, se rends aux commémorations. Il fait son deuil. Il y a néanmoins quelque chose qui le préoccupe, c'est le responsable de ce crash. Il souhaite le voir s'excuser. Après avoir eu une entrevue avec la compagnie aérienne et son assurance, il se retrouve face au manque total de compassion dont ils font preuve et où seule la question de l'argent et du dédommagement est importante. C'est suite à ça qu'il va se rendre compte que la seule chose qui lui manque après avoir fait son deuil, c'est que le fautif demande des excuses.
En parallèle, Jake voit sa vie basculer lorsque la compagnie lui propose de changer de nom, d'adresse et d'emploi afin d'éviter toutes représailles. Jake n'est pas poursuivit pour homicide involontaire mais se sent responsable de son erreur et de la mort des 271 passagers. Sa femme le quitte et emmène leur fils loin de lui et de ses tentatives de suicide, Jake doit alors apprendre à vivre seul mais avec sa conscience.
Après avoir récupéré l'adresse de celui qui a causé la mort de sa famille, Roman décide de frapper à sa porte et le faire implorer son pardon. Chose que Jake refusera et qui lui coûtera la vie, car Roman lui tranchera la carotide sans coup de semonce préalable, devant mère et fils, tout récemment arrivés. Roman sera emprisonné pendant plus de dix ans puis relâché pour bonne conduite et circonstances atténuantes. C'est lors d'une visite au cimetière que Roman croisera la route du fils de Jake, et que celui-ci voudra mettre fin à la fin de Roman, par pure vengeance. Les sanglots et les excuses de Roman susciteront la pitié du fils qui laissera Roman et... générique.
Un drame de ce type, sans scène d'actions spectaculaires (le crash n'est jamais montré), ne peut pas servir de simple divertissement. Alors si ce n'est pas que du divertissement, il doit y avoir une profondeur, un message que le réalisateur tente de faire passer au travers de cette histoire. Comme dit plus haut, ces thèmes sont abordés mais le fait-il correctement ? La réponse semble négative. La maladresse du montage fait que certaines scènes « émotions » sont très bien retranscrites, notamment au début à l'aéroport, quand d'autres, où les émotions du spectateur devraient être mises à l'épreuve, sont ici bâclées. C'est le cas de l'incarcération ou de la scène de fouille sur les lieux de l'accident où le spectateur ne se sent pas totalement concerné du fait de la rapidité de la scène. Les dix et quelques années que Roman va passer en prison ne durent même pas une minute à l'écran, avant de le voir ressortir, libre. Le film alterne donc entre un montage lent, où l'on prend conscience de toute la tragédie que vit le héros, et un montage rapide, plein d'ellipses où les événements s'enchaînent sans que le spectateur ait le temps de tout enregistrer. Peut être un énième film charcuté au montage...
Le deuxième gros défaut réside dans le comportement de Roman qui est juste incompréhensible. En tant qu'Américain, certainement croyant, Roman croit au pardon. Après son deuil, le pardon est la seule chose dont Roman semble avoir besoin. Il le fera comprendre après l'entrevue avec la compagnie aérienne en forçant l'assureur à regarder la photo de famille pour lui faire comprendre que l'argent ne lui fera pas se sentir mieux. On a donc affaire à un héros noble, aux valeurs charitables. Lorsqu'il se rend chez Jake, et après s'être confronté à son refus, Roman va perdre toute la noblesse dont il faisait preuve pour assassiner froidement Jake, devant femme et enfant, avant de s'asseoir à côté de la famille traumatisée... Pourquoi Roman a-t-il agit de la sorte alors que ce n'était que la première fois qu'il voyait Jake ? Roman n'avait jamais fait part de ses envies de vengeance et ce n'est pas comme si il y avait eu ras-le-bol, des menaces ou une agressivité quelconque de la part de Jake. Non, Roman perd juste son sang froid. Il devient à ce moment le méchant du film, un fou, un meurtrier. Sans jamais remettre en cause le crime de Roman, le film passe donc du pardon à la justice personnelle, à la peine de mort en soit. Un homme ôte la vie de celui qu'il juge coupable d'un crime. En bref, le film se perd totalement dans son propos, ne sachant pas quelle idée défendre, à moi qu'il ne faut y voir l'Amérique, religieuse en ce qui concerne le Pardon, brutale vis-à-vis du droit de mort sur autrui.
Pour palier ce manque de finesse je conseillerais le film The Crossing Guard réalisé par Sean Penn en 1995, traitant lui aussi du pardon et de la vengeance.