Guy Ritchie s'est révélé comme l'une des surprises de la fin des années 90; avec ses Snatch et autres Arnaques, crimes et botanique, l'artiste a su amener au cinéma une nouvelle manière de construire son histoire pour mieux la déconstruire dans le dernier quart d'heure, avec pour thématique récurrente l'expression au paroxysme de la connerie humaine grasse.
Et si les exemples d'idiotie chronique variaient à l'époque entre Jason Statham et Vinnie Jones, l'ami Ritchie a semble-t-il perdu la fraicheur de ses personnages hauts en couleurs avec l'uniformisation d'un art forcé par les films à gros budget auxquels il s'adonne désormais. Sherlock Holmes et Le Roi Arthur ne viendront pas me contredire, Guy Ritchie s'est banalisé pour mieux vendre auprès d'un public en demande de spectaculaire épique (Arthur) et d'humour habile (Sherlock).
Et si l'on pouvait être déçu de la direction qu'a pris sa carrière depuis sa première collaboration avec le studieux Robert Downey Junior, The Man from U.N.C.L.E. se devait de pointer le bout de son nez pour mieux nous détromper. Retour aux origines pour le talentueux initiateur du Layer Cake de Matthew Vaughn, renouveau d'une narration en perte de vitesse se basant aujourd'hui presque uniquement sur l'action et les sentiments exacerbés par des situations toutes plus spectaculaires les unes que les autres.
Premier bras d'honneur aux studios, vous ne verrez pas d'action dans Code U.N.C.L.E., ou du moins très peu; il y aura bien cette course-poursuite délectable en ouverture d'intrigue, désinvolte et fichtrement élégante, avec ce soupçon de passages numériques à l'aspect de jeux-vidéos retrouvables dans Le Roi Arthur ou le Man of Steel de Snyder. L'on pourra également noter cette course poursuite maritime bien plus tourné vers l'humour de la classe anglaise que l'action pétaradante auxquels nous ont habitués les Bond de Brosnan.
Peu de combats pleinement visibles, d'affrontement armés sanguinolents et jouissifs vous seront montrés; il faudra plus vous concentrer sur le jeu des acteurs aux fortes épices de délice, à cet affrontement de culture entre Armie Hammer (le russe) et Henry Cavill (l'américain), propice aux situations les plus coquasses ainsi qu'aux dialogues les plus cinglants. Tour à tour présentés comme le héros du film, ils forment finalement un duo rafraîchissant et inoubliable, entrant à l'évidence dans le classement des meilleures équipes d'espionnage cinématographiques.
Accompagnés de la sympathique Alicia Vikander (suédoise de plus en plus représentée dans les productions américaines festives), ils rivalisent de charisme et s'opposent par leurs personnalités complémentaires; d'un côté, l'on tient un Hammer froid comme la peau d'un sauvageon, de l'autre un Henry Cavill à la désinvolture parodique du James Bond de Roger Moore. Ce mélange, aussi étrange qu'il soit, offre au film une personnalité toute singulière, changeant des abrutissants spectacles similaires que nous pondent les grosses sociétés de divertissement cinématographique actuelles.
Parfaitement gérés par un Guy Ritchie renouvelé, ils brillent au sein d'une mise en scène dynamique, nerveuse et élégante qui alterne les passages d'émotion, d'entrain ou d'humour typiquement anglais, le tout sur fond d'un montage réussi, rétro et rendant parfaitement hommage à l'époque de sortie de la série originelle (les années 60).
Réussi de bout en bout (même si gâché par quelques incohérences ou révélations prévisibles par faute d'un montage qui s'est pris les pattes dans le tapis -seule fois où le montage se rate-), Agents très spéciaux - Code U.N.C.L.E. laisse cette drôle d'impression d'avoir enfin vu un film récent qui soit travaillé, maîtrisé et comporte tout le cahier des charges du blockbuster réussi, honnête avec son public, qui apporte quelque chose à celui qui le visionne. L'on regrettera cependant le manque de succès du film au box office (très faibles bénéfices, budget à peine remboursé) qui empêchera très sûrement la sortie d'une suite annoncée de manière excitante et tout en classe.