En 1996, le film d'un jeune réalisateur âgé de 24 ans à peine sortie de son école de Cinéma ouvrait le festival de Berlin et montrait aux yeux du monde que le cinéma espagnol ne rimait pas fatalement avec Almodovar et Carlos Saura et qu'il fallait compter avec Alejandro Amenabar.

Premier essai, coup de maitre pour Amenabar !!
Avec Tesis, un thriller terrifiant sur l'univers des "snuff movies" dont il avait signé la mise en scène, le scenario, le montage et la musique et qui fut primé un peu partout tout en séduisant un large public, il s'imposait d'emblée comme un surdoué absolu.

Attendu au tournant, il récidivait 2 ans après avec Ouvre les Yeux, un film psychologique aux frontières du fantastique et de l'anticipation. Novateur et visuellement époustouflant, ce film récolta aussi une moisson de prix dans de nombreux festivals et récolta aussi les faveurs du public qui ne pouvait rester indifférent à tant de talent.
Tom Cruise fut époustouflé par le film, en racheta les droits et l'adapta pour lui et en fit un remake pour Hollywood sous le nom de Vanilla Sky. Un remake plutôt malheureux qui ne rendit pas hommage à son modèle.

Pris sous la coupe de Tom Cruise, Amenabar saisit l'opportunité qui lui était faite de tourner aux États Unis. Il signa un des thrillers surnaturel les plus fascinants de l'époque avec Les Autres pour lequel Nicole Kidman interprétait le rôle principal.

De retour en Espagne en 2004, il produisit, scénarisa et réalisa Mar Adentro, un film casse gueule sur l'euthanasie avec Javier Bardem qui récoltai lui aussi une moisson de prix dont un oscar, un golden globe et le grand prix de la mostra de Venise.

Avec un parcours sans faute de ce niveau, Amenabar est clairement rentré dans le club très privé des cinéastes dont on attend les films et que l'on va voir les yeux fermés.

Son projet Agora était en gestation depuis un petit moment.
Se confronter à un péplum, c'est assez casse gueule, mais venant d'Amenabar tout est possible.

Si le péplum est par essence une grande fresque spectaculaire dont Spartacus, Ben Hur et Gladiator sont les figures de proue, Agora en respecte les codes mais s'en démarque assez rapidement pour délivrer une réflexion différente dont l'essence n'est pas uniquement basée sur la bravoure, les batailles et l'héroïsme.

En effet le portrait de la philosophe et astronome Hypatie d'Alexandrie en 400 après Jésus Christ est à l'opposé des exploits du Général Maximus Decimus incarné par Russel Crowe dans le Gladiator de Ridley Scott.

En dressant le portrait d'une femme moderne obnubilée par ses recherches sur l'existence du système héliocentrique et le fait que les planètes tournent autour du soleil suivant une orbite en ellipse et non en cercle comme il était convenu jusqu'alors, Amenabar nous livre une approche plus que singulière du genre.

Au-delà du portrait d'Hypatie, le film s'évertue à insister sur le contraste entre cette femme moderne et libre et les guerres de religion dont la violence et la cruauté ravagèrent Alexandrie au moment de l'avènement du christianisme.
Clairement, Amenabar n'y va pas de main morte et dresse un portrait des premiers chrétiens d'une violence noire. La vision qu'il nous en donne est celle d'une bande de fanatiques à faire passer Oussama Ben Laden pour un chef scout.
L'évêque Saint Cyril est présenté comme un bourreau sanguinaire absolu qui règne sur une bande de dévots tel un Raël croisé avec un Adolf Hitler.

Au final le film se transforme en une attaque en règle contre le fanatisme et les religions.
On nous montre celles-ci et le Christianisme en particulier qu'à travers leurs ravages meurtriers.
De plus dans le film, elles sont accusées d'avoir plongé le monde dans l'obscurantisme en rabaissant l'homme et la science pour mieux assouvir leur pouvoir.
En quelque sorte c'est un plaidoyer maçonnique qu'Amenabar nous propose avec Agora ou l'anti-thèse d'un film comme Quo Vadis.

Pour traiter d'un tel sujet, il était évidemment plus simple de s'attaquer aux Chrétiens d'Alexandrie plutôt qu'à Mahomet ou aux conflits de la bande de Gazza.
C'est toujours les mêmes qui prennent c'est un peu agaçant !!!!

Que l'on adhère ou non à cette prise de position, on s'éloigne énormément du péplum traditionnel. La distraction que celui-ci apporte au spectateur laisse place à une épaisseur dans laquelle il est difficile de se retrouver puisque notre mode de vie est assez éloigné de la vie de tous les jours à Alexandrie.
Le film souffre donc de quelques longueurs dues à cet état de fait ainsi qu'au manque d'intérêt que peuvent susciter les recherches scientifiques d'Hypatie chez le spectateur lambda.

Bien sur dans sa forme, le film d'Amenabar est une prouesse. Sa reconstitution d'Alexandrie et de sa bibliothèque est à couper le souffle. La mise en scène est plus qu'inspirée. Les acteurs sont efficaces, la trame narrative est bien amenée.
Amenabar a énormément de talent et ce talent est présent sur chaque image.

Pourtant, malgré ce brio, et même si l'on occulte le coté polémiste du film, Agora est un film assez ennuyeux.
Et l'ennui est à mes yeux le pire ennemi du cinéma. Amenabar ne doit pas avoir le droit de nous ennuyer, il a trop de talent pour cela
ldekerdrel
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le 8 juil. 2012

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ldekerdrel

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