Agora est un effort inattendu du réalisateur Alejandro Amenabar (génie nous ayant déjà offert le bon Les autres et l’excellentissime Ouvre les yeux), qui se décide à braconner sur les terres du péplum hollywoodien en évitant le puritanisme habituellement de rigueur (ah, Quo Vadis, quel charme kitch tu as pris après ces années). En effet, jusqu’ici, les péplums religieux étaient plutôt partiaux dans leur exposition de la religion catholique, mais il y avait toujours le fond moral qui venait apporter un peu plus qu’un cours de catéchisme. Ici, le point de vue se réclame plus objectif, à l’image de son introduction focalisée sur l’école des sciences et de philosophie d’Alexandrie dont on nous vante le rayonnement. Niveau technique, la reconstitution est excellente, nous sommes vraiment dans un film d’époque. Et dans la propagation de la religion chrétienne (parvenue à s’imposer en occident, et s’exportant maintenant dans tout l’empire romain), le film cerne des faits justes et tout à fait intéressants. Parlant avant tout aux pauvres (les écritures qui sont récitées par les « prêtres » de l’époque sont les mêmes qu’aujourd’hui, mais leur interprétation est plus sommaire) et aux esclaves (énorme popularité et expansion monstre dans cette caste vouée à endosser les charges des citoyens et qui voient dans le christ un des leurs, sacrifié, dépossédé de ses biens et de sa liberté), le christianisme ne cache pas sa haine des rivaux (les divinités égyptienne sont régulièrement profanées ou raillées par les prêcheurs) et fait preuve d’une fierté intolérante qui bascule rapidement dans le fanatisme quand les élites essayent de reprendre en main la situation. Jouant constamment sur la loi du nombre, se servant le l’appui du peuple pour peser sur le pouvoir en place (gouverneur romain complètement dépassé), la religion catholique se sert des valeurs qu’elle véhicule pour flatter la population tout en imposant son autorité comme incontournable, s’immisçant peu à peu partout. Il est intéressant aussi de constater l’apparition de l’antisémitisme religieux, tout à fait logique au vu du tempérament agressif des hommes de l’Eglise, et dont les paroles très dures cernent une vérité finalement toujours d’actualité. Au niveau du contexte, Agora est donc très riche, soigné et plutôt logique. Cependant, certains de ses choix se révèlent discutables. Le plus gros d’entre tous est évidemment le personnage d'Hypathie joué par Rachel Weisz. C’est un excellent personnage féminin. Intelligente, sachant parler et réfléchir, oeuvrant en politique et prônant le bon sens comme guide dans toutes ses activités, il n’y a rien à redire, elle est un modèle d’intégration féminine, n'hésitant pas à traiter d'égal à égal avec les dirigeants de son époque. Et surtout elle est une exception dans son époque, vu la richesse de son parcours et la reconnaissance publique de son savoir (rares sont les femmes ayant pu enseigner à des hommes). C'est probablement le fait qu'elle soit un cas particulier de l'histoire qui ait contribué à diminuer l'aura du film (qui semble peu logique, voire anachronique dans le développement d'un tel personnage), qui se révèle finalement
très fidèle à l'Histoire. L'évolution d'ailleurs de la religion pendant le film qui devient un objet de pouvoir demande elle aussi à être nuancée, puisque la narration abandonne toute théologie pour se murer dans un fanatisme violent et rétrograde, insistant toutefois un peu trop sur la mysoginie sensée être introduite par la religion (car malgré le côté républicain, le machisme était déjà là, les rares personnalités féminines bénéficiaient d'appuis et surtout de tolérance). Dernier petit détail un peu what the fuck, l’intérêt constant du film pour la découverte du mécanisme céleste de mouvement des planètes. Intéressant pour le côté avancée des sciences de l’époque (et réduit à néant par la religion qui impose ses dogmes à la place), le film se révèle de plus en plus hasardeux dans ses avancées. Partant souvent de l’hypothèse de Ptolémée, le film avance vers une solution dont nous connaissons déjà la réponse. Et il devient de plus en plus réducteur, trouvant finalement la conclusion en 2 coups de cuillère à pot. Vraiment ? Certes, le fait de faire mourir l’hypothèse avec sa protagoniste permet de ne pas agresser le cours de l’Histoire, mais bon, c’est aller très vite en besogne. Film bancal mais nettement plus intéressant qu’il n’y paraît, Agora est donc un petit cas à part dans le cinéma moderne, ne surfant ni sur Gladiator ni 300, et proposant un spectacle à l’ancienne avec d’intéressantes tentatives d’innovation, hélas pas toujours pertinentes.
Voracinéphile
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le 15 juil. 2014

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