Mièvre Plastique
Le nouveau film de Kore-Eda, dont nous avions beaucoup apprécié le précédent, s'éloigne des thèmes de prédilection de ce dernier : le deuil particulièrement. À Tokyo, un homme vit avec une poupée...
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le 23 févr. 2011
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Air Doll est l'un des films de Koreeda les moins bien reçus par la presse. On hésite donc à s'y lancer de peur de ressortir déçu par un réalisateur qui, justement, est habitué à ne jamais décevoir. J'en ressors finalement bouleversé, comme j'ai pu l'être par Nobody Knows ou les autres films du maître Japonais. Air Doll sort un peu des sentiers arpentés habituellement par Koreeda, sa façon si subtile de dépeindre la société japonaise est toujours présente mais le réalisme laisse place à une histoire un peu plus farfelue empreinte de magie et de merveilleux. Bae Doona (Sympathy for Mister Vengeance, The Host, Barking Dogs Never Bite,...), joue en effet le rôle de Nozomi, une poupée gonflable qui prend vie soudainement et part découvrir ce qui l'entoure. Epoustouflante est le mot juste pour décrire sa prestation, elle captive toute l'attention et agit telle une poupée ou un automate qui marche et découvre le monde extérieur pour la première fois: une gamine dans le corps d'une jeune femme magnifique. Ironiquement, elle joue une jeune fille pure et naïve mais qui n'oublie cependant pas son vrai rôle: celui d'être l'objet de désirs sexuels. Elle sait qu'elle n'est pas une vraie femme, qu'elle n'est qu'un ersatz, une simple remplaçante mais profite de la vie au jour le jour jusqu'à développer des sentiments amoureux pour Junichi (Arata) qu'elle rencontre dans une vidéothèque. Alors que les gens qui l'entourent ont peur de vieillir, elle n'hésite pas à se débarrasser de sa pompe (objet indispensable pour sa survie) pour connaître et jouir à sa façon de ce passage obligatoire de la vie. Pourtant habituée à me faire fondre littéralement à chacune de ses apparitions, Bae Doona n'a jamais été aussi belle: sa façon de marcher, ses moindres pas, sa manière de bouger la tête, son regard, son sourire la rendent tout simplement irresistible.
En parallèle de cette histoire, on y découvre également des personnages secondaires, avec leurs problèmes. Des gens seuls qui se réfugient et comblent leurs besoin à leur manière, ignorés des autres: par exemple, une jeune femme qui compense sa solitude avec la nourriture, une autre femme célibataire qui a peur de vieillir et qui envie sa jeune collègue séduisante, un vieil homme seul et malade sans aucune compagnie, un jeune otaku timide, un quarantenaire sorti d'une rupture difficile qui parle et vit avec une poupée gonflable, etc...
Hirokazu Koreeda réussit l'impensable, il arrive à nous faire ressentir des choses pour une poupée gonflable. Il écrase également tous nos préjugés et arrive aussi à nous faire ressentir de la compassion et à nous donner un regard nouveau sur ces personnes, qui à la suite d'un chagrin ou d'un problème personnel, finissent par vivre isolé ou/et avec des objets inanimés. Des gens pas très sociables, ignorés, parfois plein de vices, mais des êtres humains tout simplement qui compensent un manque avec quelque chose qui leur est accessible.
Là où le réalisateur change aussi par rapport à ses habitudes, c'est avec la bande originale. Dans ses précédents travaux, cette dernière était quasiment absente ou alors se faisait très discrète (malgré les thèmes somptueux de Nobody Knows). Ici il aime jouer avec les mélodies et les moindres faits et gestes de Nozomi sont suivis de thèmes tantôt entraînants, tantôt mélancoliques. Certainement l'une des plus belles compositions musicales qu'il m'ait été donné d'écouter.
Je ne dirai pas que Air Doll est LE film à voir, je dirai simplement que Air Doll est le énième film à voir de ce talent, ce génie nippon qu'est Hirokazu Koreeda. Une histoire originale, très belle, douce et emplie de poésie, comme le magnifique poème de Hiroshi Yoshino utilisé dans le film...
"Il semblerait que la vie soit construite de telle manière que nul ne puisse la remplir de sa seule personne. Il en va de même pour les fleurs dont le pistil et les étamines sont, en fait, insuffisants. C'est l'intervention d'un insecte ou de la brise qui permet l'union du pistil et des étamines. La vie nourrit en son sein une absence propre que seul un autre peut combler. Le monde est peut-être la somme de ces autres. Cependant, nul ne sait qu'il doit combler cette absence mutuelle et n'en est jamais informé. Chacun vit sa vie de son côté sans porter le moindre intérêt à l'autre. Il peut même arriver que l'on trouve, parfois, la présence de l'autre désagréable. On peut donc se demander: pourquoi le monde est-il construit de manière si approximative?
Une fleur s'épanouit. S'en approchant au plus près, sous la forme d'un taon, un autre vole vers elle dans la lumière. Peut-être ai-je été, moi aussi, le taon de quelqu'un. Vous-même, un jour, vous avez peut-être été une brise pour moi…"
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Créée
le 31 mai 2017
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