Imagine, t'es un enfant dans les années 90, tu demandes à tes parents le DVD du "Aladin" de Disney, et entre deux haschichs ils t'offrent ça. Que devient un môme qui découvre ça ? L'audience enfantine de l'époque devant ce ""film"" comportait-elle des personnes qui ne lui avaient même pas donné sa chance à cause de sa jaquette éloquente ? Le couple derrière l'organisation se couchait-il réellement avec la conscience tranquille ? Ce ""film"" a-t-il engendré des conflits générationnels, des reproches dignes de traumatismes d'enfances désastreuses (on imagine aisément un cliché détestable du gosse devant ce truc dans un HLM délabré pendant que la mère junkie s'affaire à côté), des familles brisées, ou des handicaps de goût conséquents dus à ces mauvais points de repère culturels ? Bien entendu, je grossis le trait, mais c'est pour exprimer les questions qui s'imposent, automatiquement, d'elles-même lorsqu'on visionne un ""film"" de Dingo Pictures.
Je l'ai découvert d'abord par une analyse du Youtubeur Epic teaching of History (un fou furieux que j'apprécie beaucoup), dont je vous met le lien en bas et qui vaut le détour. Il a ensuite organisé un Live de 9 h 30, où il se tapait les principaux films de la firme. J'ai regardé la vidéo en entier, parce que moi aussi je suis friand de ce genre de défis masochistes et foireux : vous ne regardez plus le monde audiovisuellement de la même manière après. Ça a été davantage un marathon sportif psychologique qu'autre chose. La programmation était divisée entre les nanars (dont le fameux "Dinosaures", mais surtout leur "Pocahontas" avec cette incroyable scène avec le raton laveur qui part en live avec la chatte des Aristochats sur une chanson country !), et les navets de première catégorie (leur version de "le bossu de Notre-Dame" est certainement le pire film d'animation que j'ai jamais vu, littéralement chiant à mourir). Mais ce "Aladin", le film plagié le plus ambitieux du studio (et oui...), leur deuxième et dernière production au doublage visiblement effectué par des enfants Allemands (on a finit par le leur signaler j'imagine), a une aura particulière. C'est systématiquement débile mais toujours inattendu, comme dirait notre roi Arthur.
Parce qu'autant les autres films, navets ou nanars, étaient ratés par l'ennui incommensurable qu'ils engendraient en plus de leur laideur défiant toute concurrence, autant "Aladin" semble avoir été calculé pour être le plus foireux possible. Je dis absolument pas que les autres ont été réalisé avec soin, faudrait avoir de la Javel dans les yeux et des Kleenex dans les oreilles, mais au moins il y a toujours une brèche, à un moment donné, par accident, où l'on embarque un minimum dans l'histoire racontée par leur "narrateur". Ici, les conditions de production sont tellement évidentes qu'il est impossible de s'en détacher et de considérer ce film en tant que tel, justifiant alors les colifichets.
Il est impossible de passer outre les dessins mal encadrés (il y a même deux plans où le dessin est littéralement pas fini), les animations à trois frames, les couleurs qui débordent des contours tel des premiers travaux de maternelle, les pages tournées (qui signifient donc que les enregistrement n'ont pas eu lieu dans un studio, mais vraisemblablement dans une pièce lambda), la musique en loop permanent même pendant les chansons (à savoir, la musique accompagnant la chanson triste... deviendra le thème officiel du studio pour illustrer une scène dramatique dans tous leurs autres films), les comédiens qui ne savent visiblement pas ce qu'ils lisent, les soupirs des pauvres techniciens du son, la flemme à tous les étages, le scénario pété de A à Z, et cet incroyable sentiment dont la prétention est légitimée par le niveau du tout : nous-mêmes serions capables de plus de soin. Comment le couple allemand a réussi à embarquer des personnes dans ce projet, ils leurs ont dit que ça leur ferait de la visibilité ? Ben mon coco, t'es servi : dans une lecture navet, ce film est une torture audiovisuelle que seul le premier film du studio peut dépasser ("Perseus" mélangeant l'allemand et le français dans son doublage en plus des défauts habituels...).
Mais dans une lecture nanar, dans les films d'animation, il y a également peu de films qui arrivent à sa cheville. Le principal atout dans cette lecture : le méchant. Il est magique. Dès que je le vois apparaitre, niquant les lois de la physique comme des perspectives, marcher comme un punk bourré alors qu'il porte une moustache improbable et des yeux radioactifs, rien que son allure le décrédibilise tout de suite. Et quand il parle c'est encore plus drôle (tout est Sic bien entendu) :
- Sœur de mon frère, j'ai mal au cœur que mon frère est mort.
- Dans ce palais se trouve le plus gros trésor du monde. Toi seul dans le monde entier peut le porter. (plus tard) surtout ne prend pas le trésor, sinon tu vas te transformer en statue de pierre.
- C'est moi le magichien ! Fils de tailleur !
- (à son perroquet) si tu la boucle pas, je te jetterai aux crocodiles !
- Shabek Lubek Meshalalubek !
- Dans mon palais en Afrique, je pense toujours à son échec, jusqu'à un jour il ne tenait plus (oui, d'un coup, il parle de lui à la troisième personne c'est merveilleusement gâteux)
- Alors ma belle, maintenant c'est fini avec nos amoureux pâteux ? (il parle au génie là)
Et surtout, la perle suprême, le plan presque parfait du Magichien :
Avec ton aide, je vais gouverner toute la Terre. D'abord, je vais me venger sur Aladin. Quand il va faire nuit, je soulève le palais d'Aladin, ensemble, avec Soraya. Très haut. Mets-les dans mon palais en Afrique !
On dirait un enfant de 7 ans qui complote pour emmerder sa petite sœur. Dans le corps d'un vieux moche et limité par l'animation, c'est magnifique de pathétisme, c'est certainement le méchant le plus ridicule que je connaisse. Il manque que le rire de Christophe Lambert et c'est le combo.
Deuxième et dernier point positif : en elles-mêmes, les chansons et musiques ne m'ont pas déplus, l'usage de la langue allemande n'étant pas pour moi un argument négatif sur leur qualité. D'ailleurs, l'interprète de la chanson "drama" donne vraiment de sa voix (et de sa superbe). En moment nanar, lorsqu'Aladin est sur le tapis, rejoint par un éléphant, la musique accentue le bonheur improbable de cette séquence (en plus personne parle). Par contre, leur sur-recyclage les tue, et le loop incessant derrière aide pas.
Le voir, ne pas le voir ? ... Faut le voir en étant prévenu. Même s'il y aura forcément des choses auxquelles on peut pas s'attendre avant de le voir (autre point """positif""" qu'il a sur les autres ""films"" de la firme), il est important de savoir à l'avance que ces Allemands ne connaissent pas les limites du foutage de gueule et n'ont peur de rien. DE RIEN. Mais une fois qu'on prend ça du second degrés, le film est génialement médiocre.
Vidéo analyse d'Epic Teaching of History : https://www.youtube.com/watch?v=E9DVu9U4fRw&t=2017s
Son Live (attention ça gueule) : https://www.youtube.com/watch?v=ly1f_x0pnco
Le film (attention ça pue) : https://www.youtube.com/watch?v=yMwB47058gs