Version Longue :
Si, durant sa carrière, John Wayne s'est souvent intéressé, voire investi, à la réalisation, il n'a signé que deux mises en scène. Sa première, Alamo, où il est bien aidé par John Ford, s'intéresse à un épisode crucial de l'histoire américaine, celle de la bataille de Fort Alamo pour aider le Texas à se libérer du Mexique.
On ressent d'ailleurs l'aide et l'influence de celui qui l'a dirigé à mainte reprise, il signe là une oeuvre plutôt classique mais ô combien passionnante. Il se lance dans la fresque historique, avec la petite histoire, celle de Davy Crockett, dans la grande, celle du Texas puis de l'Amérique. Il prend son temps pour présenter le contexte et les personnages, il nous laisse nous imprégner de l'atmosphère lourde et fascinante digne des grands films historiques, et s'appuie sur un parfait scénario, sachant dresser des tableaux forts, avec une alchimie entre tous les protagonistes.
Dans cette première partie, il parvient à alterner entres les tons, avec des doses d'humour marchant très bien, une vision des gradés et de l'armée de l'époque, la fresque ou encore un léger soupçon de romantisme. Peu à peu, il construit son oeuvre pour qu'elle atteigne son apothéose dans la dernière partie, durant la fameuse bataille, et tout fonctionne, avec une émotion tout le long présente et de forts degrés d'intensité durant la dernière heure. Les séquences mémorables s'enchaînent, à l'image de la marche des blessés, tout en finesse et dramaturgie, ou tout simplement quelques scènes plus calmes, grâce à de parfaits dialogues.
Abordant quelques thématiques guerrières, c'est surtout celles humaines qui marquent, notamment par le prisme des tableaux humains, des valeurs de ceux-ci et des différences idéologiques entres certaines protagonistes. Davy Crockett et James Bowie sont tous deux très attachants, on a envie de les suivre et leurs états d'âme tandis que John Wayne fait d'Alamo un véritable mythe quitte à accentuer le réel écart dans les oppositions ou à faire quelques approximations ou erreurs historiques. Il trouve le ton juste pour éviter d'être trop pompeux, et il a bien compris une chose, que le cinéma c'est de l'émotion, et de ce point de vue là, Alamo en déborde.
John Wayne a eu du mal à réaliser cette oeuvre, qu'il a portée durant de nombreuses années jusqu'à lui même investir de grosses sommes (et ce sera un succès mondial). Il sublime le cadre qu'il a à sa disposition, offrant de magnifiques images, tant dans les grands plans que ceux serrés, avec de parfaits décors et costumes. La bande-originale signée Dimitri Tiomkin est géniale et colle parfaitement aux images, donnant un véritable élan, une forme et de l'émotion à l'ensemble d'Alamo. Enfin, il est égal à lui même et génial dans le rôle de Davy Crockett, sachant créer une posture héroïque et sage, tandis qu'il a l'excellente idée de confier le rôle de James Bowie au toujours remarquable Richard Widmark, qui fait preuve à la fois d'un grand caractère et humanisme pour ce rôle, tandis que pour les seconds rôles, il a choisi plusieurs parfaites gueules atypiques comme ces temps-ci savaient en produire.
Si John Wayne a mis du temps pour vraiment s'essayer derrière la caméra, il le fait avec un immense talent en signant Alamo, sachant créer une grande fresque sur l'histoire de l'Amérique, et il le fait avec émotion et force. Ces tableaux sont passionnants et surtout émouvants, avec quelques doses d'aventure ou d'humour, tout en étant incarnés par de fantastiques comédiens, qui se révèlent à la hauteur de ce chef d'oeuvre.
Un grand merci à SanFelice !