Méta morphose
A première vue, Alerte Rouge, avec ses histoires d'ados et de transformations, raconterait presque la même chose que Luca, abandonnant l'Italie de la dolce vita au profit des traditions...
le 14 mars 2022
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Dans une industrie Disney de plus en plus balbutiante, Pixar s'est toujours dressé comme figure d'exception. Là où Disney faisait débats avec un Reine des neiges 2 en demi teinte, un Raya the last Dragon unanimement décevant, et un Encanto qui divise, Pixar a toujours su rassembler avec un Toy Story 4 dans la ligné des films d'une des franchises les plus fructueuses de l'histoire du cinéma d'animation, un En Avant attirant la sympathie général, et un Soul déjà érigé comme un des nouveaux classiques Pixar. Cependant, pour toute ascension il y a une chute, et Luca a amorcé celle de Pixar. La faute n'est pas tant à la qualité du film qui est excellente. Rendant hommage à la culture italienne et prenant place dans l'italie des vacances d'été, le film est un bonbon cinématographique réinventant subtilement les codes de la culture italienne associées aux codes traditionnels du studio pour offrir un film tendre et touchant sur l'amitié, voire beaucoup plus, et l'acceptation de soit. Cependant le film fût critiqué pour son manque d'audace technique. Contrairement à Soul qui proposait des expérimentations techniques et visuels innovantes et un style réaliste repoussant les limites de l'animation 3D, Luca adopte la démarche différente mais pas moins innovante de faire le chemin inverse et renier le photoréalisme à tout prix vers lequel se dirigeait les précédents films du studio. La démarche peut surprendre car ne démontrant pas une capacité technique irréprochable ou même une supériorité artistique qui ferrait palir les créations passées. Cependant cette démarche a pour objectif d'ouvrir de nouvelles portes et ne pas enfermer Pixar dans une animation photoréaliste sans attout artistique qui remettrait en question l'utilité même de l'animation. Oui Luca est moins bien techniquement qu'un Soul, qu'un Toy Story 4, ou même d'un Indestructible 2, mais l'idée n'est pas tant d'étaler les moyens à tout prix sans trop de résultat, mais d'épurer pour aller à l'essentiel. Mais malgré que cette démarche ait un but et un sens, elle souligne à quel Pixar se rapproche rapidement (voire trop) des limites techniques de l'animation et que le succès de Pixar tient à pas grand chose, et qu'il faut donc s'atteler à travailler l'écriture des prochains films afin de proposer quelque chose de nouveau. Un quelque chose qui soit en raccord avec la nouvelle direction qu'entreprend le studio, et qui puisse faire passer outre des réalisations ne cherchant pas l'innovation à tout prix. C'est donc dans ce climat qu'arrive Domee Shi, qui s'est fait connaitre avec son premier court métrage Bao qui avait remporté l'Oscar du meilleur court-métrage d'animation en 2017, avec son 1er long métrage Alerte Rouge... et c'est un échec.
Le problème étant que le film n'arrive jamais à trouver un rythme ou une dynamique constante. On nous plonge dans les années 2000 avec les boys band, les tamagoshis, la musique et les couleurs pops, mais aussi à travers des gimmicks de dessins animés des années 2000. On aura des phases où le personnage principale parle face caméra comme dans Dora l'exploratrice ou même les cartoon des looney toons, et on sent qu'on veut nous faire revivre ces années d'insousciences qui ont marqués une génération. Cependant on n'assume jamais vraiment la chose car on veut encrer le film dans son temps avec de l'humour beaucoup trop moderne pour la situation, le tout avec des situations qui ne sont pas assez naturel car s'encrant dans des stéréotypes de dessins animés des années 2000 non assumées. Du coup toutes les gimmicks de dessins animés deviennent des défauts car non réactualisés. Les 20 premières minutes sont véritablement éprouvantes tant on essaye de faire monter la sauce à coup de blagues modernes basées sur le montage et des stéréotypes comme le personnage de la mère trop protectrice qui ne sont pas assez développé et qui s'autorisent des moments d'excès sans que cela soit poussé à 100% pour que cela soit "normal". En résulte un sentiment de gêne et de mauvais malaise face à des choses qui sont faites pour mettre mal à l'aise, mais pas à l'encontre du film en lui même. Le film propose aussi des éléments de modernitées qui fonctionnent, pour le coup, comme par exemple une scène qui rappelle les films de Kaijū, et le rêve avant la première transformation qui s'inspire directement des films expérimentaux comme 21-87 d'Arthur Lipsett (qui a notamment inspiré Georges Lucas pour la conception sonore de la respiration de Dark Vador) ou encore les séquences vidéos de Ringu d'Hideo Nakata, un plan sur des lunettes qui nous montre toute la scène à travers des reflets, ou encore une séquence de transformation à travers un porte qui sont vraiment très intéressants. Mais là encore, on nous propose des éléments de modernités qui ne fonctionnent pas sur le long terme car on ne les a pas poussé assez loin pour que cela apporte quelque chose dans l'univers du film, et non un élément qui tranche avec ce que veut faire le film et qui parait un peu comme une exception dans un film qui patoge dans des choses déjà vu qu'on n'aura pas pris le temps de réaproprier ou de réactualiser. Alors pour trouver une cohérence entre le moderne et l'univers 2000, le film va se reposer sur un scénario et des clichés bien connu du studio, donnant ainsi un aspect très académique et sage qui ne marche absolument pas. Si l'on veut rendre originale des univers que l'on a déjà vu, il faut proposer des chemins et un scénario qui fait voir autre chose de ce qu'on a déjà vu, et malheureusement le film tombe dans le piège de ne pas assez prendre de risque. Ce qui fait que, face à des bons éléments comme le méchant garçon de l'école qui est très réussit, on se retrouve plus saoulé qu'autre chose par les séquences d'exposition d'histoire avec du motion design d'after effect, l'héroïne qui va devoir trahir ses amis et les abandonner, le personnage principale qui a le choix d'avancer mais qui refuse au dernier moment, ou encore les scènes de révélation du personnage faible face à l'autorité qui fait le traditionnelle: "QUOI ???".
Le tout se confirme par la réalisation qui est pas foncièrement intéressante. Mis à part un travail pour adapter certains traits de l'animation manga en 3D comme les speedlines ou encore les expressions des personnages, il n'y a vraiment pas grand chose de notable. La raison est que tout n'est pas poussé au maximum ou du moins assumé à 100% pour que cela soit réellement perceptible. Tout cela c'est sans compter un travail sur certaines scènes, notamment une scène de cuisine, où l'on replonge dans un ultra réaliste qui devient juste débile tant on s'attarde sur les détails d'un aliment juste pour une scène qui n'apporte rien, le tout dans un film 1h40 d'une rondeur et d'un aspect cartoon qui parfois fait tâche. Cette rondeur aurait pu marcher si l'on était dans un film qui s'assumait pleinement dans l'esprit d'un film des années 2000, mais encore une fois, on veut en même temps aller dans des scènes plus moderne, et ces scènes plus modernes sont désservit pas un design qui est plus fait pour des choses plus enfantins et bon enfant. Au final on ressort pas tant énervé ou même déçu car le film est pas mauvais. On retrouve des thématiques chère à la réalisatrice comme celui de la figure parentale possessive qu'il va falloir apprendre à calmer, ou encore les rapport conflictuels lors du passage à l'adolescence, et même si l'alchimie entre tous les personnages ne marchent pas à cause d'un développement de certains personnages trop bref (notamment la famille de l'héroïne qui est très inégale), on arrive à s'attacher un peu à l'histoire de cette jeune fille qui entre dans l'adolescence et qu'on aime voir heureuse avec ses copines. En attendant, là où Luca nous montrait les limites du studio sans jamais faire bouder notre plaisir, Alerte Rouge échoue à nous faire oublier les limites techniques et scénaristiques et nous offre un film en demi-teinte qu'on aurait pu éviter.
10,25/20
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Créée
le 17 mars 2022
Modifiée
le 17 mars 2022
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