Méta morphose
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Alors que Disney continue de noyer les créations Pixar dans le flux de streaming, il sera d’autant plus difficile à croire qu’il reste un semblant de liberté chez ce studio, qui a su convoquer tant d’émotions. Outre le fait que les plus grands dérivés et suites de franchises auront droit aux salles obscures (Buzz l’Éclair), nous devons nous contenter de cette dernière sucrerie à domicile. Après l’efficacité et la sensibilité de Domee Shi sur le court-métrage « Bao », la réalisatrice revient avec un morceau culturel de choix, sous l’égide d’une écurie qui n’a désormais plus rien à perdre. Et c’est en partant de ce principe même, que l’on parvient à mêler étroitement la culture orientale et occidentale, dans un chaos juvénile et déjanté, comme on l’aura rarement vu dans une autre production du studio.
Si cela semble démarrer par l’approche la plus convenue et la moins risquée des thématiques liées à l’adolescence, détrompons-nous rapidement pour se laisser emporter par l’animation, qui déborde d’énergie. Il s’agirait presque d’une rencontre opportune entre la famille Mitchell de Netflix et la spiritualité de « Vice-Versa », où la jeune Meilin Lee commence à explorer de profondes émotions, de même qu’un changement corporel conséquent. Mais avec la finesse et l’ingéniosité de la cinéaste, cela devient une leçon d’apprentissage, qui file vers la réconciliation absolue, car les relations humaines seront sollicitées dans cette aventure fantastique et indéniablement familiale. La jeune sino-canadienne devra alors tout faire pour écrire sa propre histoire et se débarrasser du joug d’une mère trop protectrice. C’est là qu’on en vient à diriger tout l’attirail comique et barré vers un récit d’amitié, qui n’hésite pas à piocher dans la culture populaire nipponne et les super-héros américains.
Il y a des pouvoirs et des responsabilités à dompter. Cela commence par l’acceptation et c’est une chose qui sera possible, à coup de girl power ou simplement une ode à la féminité. Tandis que les désirs d’adolescentes montent, au crochet de boys band, qu’elles idolâtrent jusqu’à fantasmer sur l’idéal masculin, on prend un certain plaisir de retomber dans ces années de collège, riches en découvertes. Qu’il s’agisse de soi ou d’autrui, le panda qui s’exprime est une manœuvre habile et au discours limpide, qui discute les limites du contrôle parental. Il y aura de la place pour explorer au mieux cette complicité, là où « Encanto » s’est perdu dans sa propre turbine traditionnelle. Quitte à laisser quelques personnes sur le carreau, côté goût musical, cela servira aussi bien la vision des parents que de la jeunesse, pas toujours conscient de la vulgarité que cela puisse dégager. Mais là encore, ce sera davantage une rupture intergénérationnelle, qu’il convient d’apaiser, à l’aide de plats succulents ou d’une présence paternelle plus incisive.
Ce n’est donc pas le sujet qui est mis au centre de la table, mais bien l’émotion, de nature bestiale et infantile, à l’image d’un tamagotchi, qu’il faut savoir entretenir, nourrir et chérir. « Alerte Rouge » (Turning Red) évoque déjà beaucoup, par ses significations multiples et son authenticité dans l’approche d’une maternité toxique. Dans « Bao », nous avions déjà pu goûter à cette mélancolie, qui touche chaque foyer, où la quête de liberté et d’identité viendra fracturer une harmonie qui n’a plus lieu d’être. Il s’agit d’un film qui grandit en même temps que ses personnages, qu’importe leur âge ou leur sensibilité, pourvu qu’ils s’écoutent un peu plus pour se laisser une magnifique part de magie et de tendresse.
Créée
le 11 mars 2022
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