"Alice in Wonderland : an X-Rated Musical Comedy" est un film qui, comme son nom l’indique, n’a pas exactement toute l’innocence du livre de Lewis Carroll. C’est pourtant en se faisant passer pour une copie du dessin animé éponyme de Walt Disney que l’œuvre a pu passer la frontière américaine et se diffuser à l’extérieur des Etats-Unis. Ce film pornographique (puisque c’est bien de cela qu’il s’agit) se présente sous la forme d’une comédie musicale, tout comme le film de Disney – et le roman de Carroll qui est entrecoupé de nombreux chants et passages en vers – et n’est pas dénué d’une certaine poésie, impression renforcée par les tons passés, tantôt sépia tantôt magenta, de la vieille pellicule 35 millimètres.
La trame du célèbre récit d’Alice est réinterprétée de façon à donner lieu à des situations coquines mettant en scène les différents personnages bien connus du roman. Le lapin blanc, un des rares personnages à ne pas “mettre la main à la pâte” dans le film, joue d’une manière qui évoque assez bien l’animal et parle d’une voix directement inspirée des cartoons de Bugs Bunny. On relève par ailleurs de belles trouvailles dans cette version d’Alice. Ainsi, qui ne s’est jamais demandé pourquoi, quand Alice boit le philtre qui la fait rapetisser, ses vêtements rétrécissent aussi ? Le film, plus cohérent que le roman, répond : non, une telle chose n’est pas possible. Résultat : Alice se retrouve nue dès les premières minutes car ses anciens vêtements ont gardé leur taille humaine. Le ton est donné.
Le reste est à l’avenant. Les rochers de la rivière réagissent aux caresses d’Alice et l’initient aux secrets de la masturbation ; Deedle Dee et Deedle Dum ne sont plus deux bonshommes rondouillards mais un homme et une femme qui folâtrent dans les champs sans culotte et s’adonnent à divers plaisirs dans diverses positions ; le chapelier ne se contente plus de prendre le thé avec le lièvre de Mars mais il enseigne également à l’héroïne l’art de la fellation ; le gros Coco, cet œuf qui tangue en haut d’un mur, souffre de problèmes érectiles malgré les danses lascives d’infirmières venues lui remonter le moral. Si tout est avant tout prétexte à la gaudriole, on appréciera toutefois que le film échappe à une faiblesse commune à de nombreux films pornographiques en ce qu’il parvient à mélanger harmonieusement scènes de dialogues, de chants et de coïts sans donner l’impression, comme trop souvent, que tout est segmenté en parties hermétiques selon une grammaire cinématographique éternellement répétée.
Au cours de ce long métrage à l’esthétique faussement enfantine et dont un des messages principaux semble être de faire l’éloge du pouvoir de l’imagination, on notera quelques bons passages, quelques originalités techniques. Ainsi d’une des dernières scènes montrant Alice et ses amis courir dans la forêt et les pâturages pour échapper à la Reine de Cœur et à ses troupes : le réalisateur crée un effet dynamique (et passablement comique) en amputant la pellicule de plusieurs secondes en divers endroits, donnant cours à des sauts subits dans l’espace. Dans l’ordre des effets de style on regrettera par contre la surabondance d’images en surimpression, méthode qui nuit généralement à la lisibilité. Un bon point pour le générique de fin, à la fois bucolique et érotique, présentant Alice dans diverses activités (à cheval, courant dans les hautes herbes, se laissant porter par le flot d’une rivière), le tout bien sûr dans des tenues minimalistes et une musique de circonstance.