C'est drôle, comme il y a une constante que l'on ne relève jamais beaucoup chez Scorsese : sa vision profondément pessimiste, quasiment fataliste du mariage. Depuis hier, j'ai regardé Les affranchis, Taxi driver, Le loup de Wall Street, mais je pourrais en citer bien d'autres, à commencer par ce film, dans lesquels Marty décrit véritablement le mariage comme une prison.
C'est donc l'histoire d'Alice Hyatt, une femme de 35 ans qui rêvait de devenir chanteuse et s'est laissée piéger auprès d'un mari dominateur et un gamin de 12 ans dans une petite ville du Nouveau-Mexique. Son mari meurt dans un accident, elle décide de partir pour Monterey devenir chanteuse.
Elle fait d'abord un arrêt à Dallas, où elle finit par trouver un club qui l'engage, mais fuit précipitamment après avoir été courtisé par Ben (Keitel), un jeune gars qui se révèle déjà marié et hyper violent. Nouvel arrêt à Tucson, où elle se fait serveuse dans un bouiboui où se côtoient Flo, qui jure comme une charretière, et Vera, plutôt godiche. Tommy, le fils d'Alice, se fait une amie d'Audrey (J. Foster en mode garçon manqué), qui a une mauvaise influence sur lui. Et puis arrive David (Kris Kristofferson !), propriétaire de ranch divorcé, avec qui une romance se met en place. Rupture 20 mn avant la fin, à cause de Tommy bien sûr, puis le couple se rabiboche et David est même prêt à vendre son ranch et accompagner Alice à Monterey tenter sa chance.
Je vais passer pour un odieux machiste, mais ça se sent que le script a été fait par des femmes. Le personnage de David ressemble trop au prince charmant pour être vrai (on ne voit d'ailleurs pas de scène de lit entre lui et Alice). Beau, solaire, attaché à son ranch, prêt à reprendre avec lui une mère avec l'expérience de père qu'il a eu d'un précédent mariage, joueur de guitare, il n'a quasiment aucun défaut, au point que c'en est ridicule.
Voilà mon principal grief avec le film. Sinon l'interprétation est bonne (le gamin notamment, et Keitel est excellent !), les personnages sont attachants, la relation mère-fils est joyeusement déjantée (trait qui rappelle un peu Cassavetes, qui conseillait beaucoup Scorsese à ses débuts). La mise en scène est assez académique, à quelques extravagances prêt (le money-shot où la caméra suit Flo de la cuisine du restaurant à travers la salle jusqu'au parking et aux toilettes du personnel). Cette scène, d'ailleurs, où Flo console Alice, est bizarrement décalée, alternant au montage le dialogue insipide et étiré des deux femmes et des plans du restaurant, dans lequel la situation tourne à l'apocalypse pour Vera, un choix de comédie inattendu et assez hilarant. De notable, aussi la scène de violence où Ben défonce la porte vitrée pour venir chercher sa femme Rita, tournée en faux plan-séquence (Dieu que j'aime Keitel).
C'est un film sympathique, que j'ai trouvé un peu mièvre (ils en ont même fait une série par la suite), mais qui présente un mélange assez original d'étude psychologique d'une femme et de comédie. ça m'a fait penser au Wanda de Barbara Loden, en plus lissé.