C'est un sentiment mitigé qui surnage après avoir revu ce quatrième opus de la série. Film étrange et déroutant à bien des égards, Alien Résurrection remonte un peu le niveau par rapport aux deux précédents mais n'est pas totalement abouti et m'a paru très inégal.
D'abord, nous repartons dans un film de Science-fiction, là où Fincher avait quasiment abandonné cet aspect de la série. Entre vaisseaux spatiaux, voyages stellaires, Terre dévastée et pratique du clonage, on retrouve ici des éléments et une ambiance typiques d'un genre. Et ça fait plaisir.
Les fondamentaux de la série sont ici : thème de la maternité, personnages enfermés dans un espace réduit et décimés par les monstres, face-à-face hommes-machines...
Et pourtant, Jeunet s'amuse à détourner ces codes, et c'est là qu'il est bon. Là où la machine inspirait de la méfiance dans les films précédents (méfiance injustifiée dans le 2, mais manque de confiance quand même), ici elle nous semble d'emblée sympathique. Le choix de Winona Ryder est très judicieux : elle paraît plus faible. Ce qui amène Ripley à dire cette phrase apparemment paradoxale : "les vrais humains n'ont pas le cœur aussi sensible".
L'ambiguïté est un maître-mot du film. Ambiguïté de Call donc. Ambiguïté sur l'identité de 8, mélange de Ripley et du monstre qui était en elle, ce qui décuple sa force, lui donne des capacités animales.
Du coup, cela entraîne une ambiguïté du rapport entre 8 et les monstres. C'est là qu'on retrouve le sentiment de maternité qui se veut le thème dominant de la série. Puisqu'un échange d'ADN s'est manifestement produit entre elle et la pondeuse qui était en elle, un lien s'est formé. Chacune a laissé sa trace en l'autre. Elles sont connectées, réunies. Toute cette ambiguïté se retrouve dans la scène finale, avec le monstre hybride.
Cette même ambiguïté se retrouve dans le rapport entre les monstres et les scientifiques. Il y a cette scène délirante où Brad Dourif (l'excellent Brad Dourif) embrasse quasiment un des monstres. Il y a là, bien évidemment, une parodie d'un des sujets transversaux de la série, l'intérêt des scientifiques pour ce monstre et l'exploitation militaro-commerciale qu'ils pourraient en faire.
Parodie. Le mot est lâché. Il y a beaucoup d'humour dans ce film, avec une volonté parodique évidente. L'IA s'appelle Père, en clin d’œil à Maman dans le film de Scott. Et comment ne pas rire quand on l'entend accueillir les nouveaux venus en s'exclamant "Je suis le Père" ? (ou suis-je le seul à y avoir vu une allusion à L'Empire contre-attaque ?)
Humour dans les dialogues, humour dans les situations (Ron Perlman qui explose un monstre mais a peur d'une minuscule araignée), humour dans les personnages (Dominique Pinon est hilarant). Humour dans une série de références aux classiques du genre (la vision de la Tour Eiffel détruite, à la fin, m'a rappelé le final de La Planète des Singes).
On sent que Jeunet s'est amusé. Bien souvent, le recours au gore est jouissif. Son jeu avec les armes cachées un peu partout (dans le shaker de Ron Perlman ou en pièces détachées dans le fauteuil de Pinon) est franchement drôle. Les portes qui s'ouvrent avec l'haleine est une formidable invention. Jeunet (et Whedon, le scénariste) s'est fait plaisir.
Et Jeunet nous fait plaisir aussi avec un casting exceptionnel, où on retrouve son choix pour des "gueules" : Perlman et Pinon, qui avaient déjà joué avec lui auparavant, forment un duo fantastique ; j'adore Brad Dourif, toujours visqueux, et Dan Hedaya est tout aussi excellent.
Tout ça aurait été très bien s'il n'y avait la fin.
Honnêtement, je n'aime pas la fin de ce film. Le monstre hybride est dégueulasse (là où la créature créée par Giger est absolument magnifique, nous ne le dirons jamais assez). La fin se traîne en longueur (j'ai vu "l'édition spéciale", qui fait dix minutes de plus) et perd beaucoup de l'intérêt du film. Nous ne sommes plus surpris, là où Jeunet nous avait déroutés pendant une bonne partie de l’œuvre. Bref, le film aurait mieux fait de s'arrêter plus tôt.
Alors, ne boudons pas trop notre plaisir quand même. Le résultat est globalement bon, bien meilleur que les deux précédents, mais reste très inégal.