Malgré notre amour infini pour le cinéma, il fait reconnaître que la majorité des films s'usent avec le temps, et ce d'autant plus qu'ils sont devenus des mythes. En revoyant Alien aujourd'hui, on se rend compte de ses immenses qualités formelles, et en particulier du refus d'un Ridley Scott encore quasi débutant d'utiliser toutes les ficelles de la terreur facile qui rendent si efficaces et si artificiels l'immense majorité des films d'épouvante contemporains : si dans l'espace, personne ne vous entend crier, dans le noir, il est indéniable que les monstres sont bien plus impressionnants qu'en pleine lumière. Lent, sombre, parfaitement mesuré, Alien est devenu un classique, mais un classique qu'on regarde avec beaucoup de recul, ce qui le prive largement de son impact initial : on sait ce que la saga qui a suivi a donné (peu de choses vraiment convaincantes), on est surpris de revoir une Sigourney Weaver si jeune, si ronde, si sexy dans son rôle totalement iconique de Ripley, on s'amuse de voir ce que l'on imaginait à l'époque que serait la technologie du futur, et en particulier les ordinateurs. Et on en oublie d'avoir peur. Et on s'irrite un peu, à tort, quand nos enfants nos disent : "Mais papa, pourquoi tu nous avais dit que ce film faisait vraiment peur ? On a rien vu…". Non, tu n'as rien vu : et, à l'époque, on appelait ça du cinéma.
[Ecrit en 2022]
Si "Alien" était - à sa sortie - sans doute l'un des films les plus terrifiants jamais réalisés, Ridley Scott révolutionnait surtout le cinéma horrifique en situant une histoire complexe dans un univers futuriste hautement crédible (travail remarquable des décors et de l'image), en engageant de bons acteurs pour interpréter des rôles ambigus (la palme revenant bien sûr à Sigourney Weaver, impressionnante dans le rôle de Ripley), et en invitant un artiste comme Giger pour créer un monstre aussi terrible que superbe. Mais tout ceci ne serait rien sans une mise en scène brillante, qui sait bien que, moins on en montre, plus le spectateur aura peur. "Alien" deviendra le mètre-étalon du film fantastique pour bien des années à venir... malheureusement trop plagié, mais c'est le destin de toutes les œuvres qui ont marqué l'inconscient d'une génération !
[Critique écrite en 1999]