Le scénariste Dan O'Bannon débute sa carrière en 1974 alors qu'il s'associe à John Carpenter pour son premier film : Dark Star, une comédie de science-fiction. Il officie dessus comme décorateur, co-scénariste et monteur. Par la suite, il déménage à Paris après avoir été contacté par Alejandro Jodorowsky pour concevoir les effets visuels de Dune. Hélas, le projet s'effondre faute de financement nécessaire.
Dan O'Bannon rentre bredouille aux États-Unis où il apprend qu'il est atteint de la maladie de Crohn. Le scénariste doit alors interrompre ses activités et part à l'écriture d'une série B se déroulant dans l’espace. Souffrant de graves maux d'estomac dus à son état de santé, il imagine une créature qui bondirait du ventre de l'un des héros. Influencé par ses travaux sur Dark Star et sur le film abandonné Dune, il reprend quelques éléments, mais sous un angle horrifique.
Après trois mois d'écriture, Dan O'Bannon se lance à la recherche de producteurs. Le projet tombe entre les mains de David Giler et Walter Hill, fondateur d'une toute nouvelle société de production, Brandywine Films. Peu enthousiastes quant au potentiel du script, ils le présentent toutefois à Alan Ladd Jr., alors président de la 20th Century Fox. Néanmoins, le scénario a dû être réécrit, du réveil de l'équipage jusqu'à la scène du déjeuner, en passant par l'ajout d'un personnage androïde tandis que les origines du monstre sont carrément modifiées. À deux semaines du début du tournage, David Giler, lassé des réécritures successives et effrayé par l'envergure du projet, finit par claquer la porte. Dan O'Bannon est alors appelé en catastrophe pour donner au script sa forme définitive, en restaurant une grande partie de sa version originale.
Pour la direction artistique, Dan O'Bannon fait appel à Hans Ruedi Giger, graphiste et illustrateur que le scénariste avait rencontré sur le tournage avorté de Dune. Giger travaille ainsi sur la conception du bestiaire en s'inspirant de l'un de ses tableaux, intitulé Necronom IV et représentant un insecte anthropomorphe. Le peintre s'occupe ensuite, aux côtés des dessinateurs Ron Cobb et Chris Fross, des décors du Nostromo, le vaisseau Derelict Ship que les personnages découvrent sur la planète, le Space Jockey, humanoïde dont les Aliens ont infesté le vaisseau, le facehugger et le chestburster, les phases d'évolution de la créature.
Plusieurs noms sont envisagés pour réaliser le film : Robert Aldrich, Jack Clayton, Robert Altman. Tous rejettent le scénario qu'ils jugent ridicule et inadaptable. C'est lors du Festival de Cannes 1977 que David Giler rencontre Ridley Scott, venu présenter son premier film, The Duellists, à qui il propose la casquette de réalisateur.
Pour la distribution des rôles, les producteurs et Ridley Scott n'envisagent pas d'acteurs trop célèbres. Ils refusent en effet que le casting efface complètement le suspense, ni l'aspect visuel du film. Néanmoins, une chose est sûre : avec aussi peu de personnages et une intrigue se déroulant exclusivement en huis clos, le film nécessite des rôles définis, clairement construits et des acteurs capables de leur donner vie.
Tom Skerritt est le premier à être choisi, pour le rôle du commandant Dallas. Vient ensuite le célèbre Ian Holm qui campe l'officier scientifique Ash, un androïde. Les deux techniciens du Nostromo, Brett et Parker, sont interprétés par Harry Dean Stanton et Yaphet Kotto. L'un est un habitué des petits rôles au cinéma, le second est repéré grâce à son personnage dans un des James Bond. Le rôle de l'officier en second Kane, première victime de la créature, est d'abord confié à Jon Finch, mais ce dernier fait une crise de diabète lors du premier jour de tournage. Ne pouvant travailler dans de telles conditions, Finch doit quitter le navire pour des raisons de santé. Scott appelle en urgence John Hurt, qui avait refusé le rôle à cause d'un tournage prévu en Afrique du Sud. Ce projet ayant été annulé, il accepte la proposition.
Si le casting commence à s’étoffer, le personnage du lieutenant Ripley, initialement Roby, tarde à trouver un interprète. Aucun homme ne parvient à convaincre les producteurs. Ces derniers pensent alors à engager une femme faisant du film, le premier de l'histoire du cinéma à être porté par un personnage féminin. L'idée enchante aussitôt Ridley Scott et Dan O'Brannon. L’actrice Veronica Cartwright passe une audition pour le rôle de Ripley, mais sera finalement choisie pour jouer Lambert, la navigatrice du Nostromo.
Découverte au théâtre, Sigourney Weaver est la dernière option des producteurs. Peu habituée du grand écran, elle est toutefois engagée trois semaines avant le tournage pour camper l’héroïne. Le casting est donc enfin au complet.
L’équipage du navire commercial Nostromo est réveillé par un mystérieux signal provenant d’une planète voisine. Liés par des contrats, ils inspectent les lieux et tombent sur un vaisseau rempli d’étranges oeufs abandonnés. Surgit alors une créature qui s’accroche au visage de l’un d’eux. Le groupe retourne sur le Nostromo, apportant malgré lui une forme de vie extraterrestre hostile, qui commence lentement à s’en prendre aux occupants.
En plus d’installer un climat de tension et de peur, le film de Ridley Scott propose un monstre d’une efficacité redoutable ne cédant jamais à la complaisance et la facilité. Issu de l’imagination de Hans Ruedi Giger, le monstre, l’Alien est une merveille dans son design et sa conception. Agissant comme un parasite, la façon dont il intègre le vaisseau, au détour d’une scène sanglante devenue culte, est inspirée et fait froid dans le dos. Sa constante mutation et sa croissance ne font qu’épaissir le mystère quant à son physique. D’un petit organisme vorace, surgissant soudainement du corps d’un membre de l’équipage, il se transforme progressivement en monstre d’une taille imposante, capable de dévorer un être humain. Aussi tout le monde ignore à quoi il ressemblera lorsqu’il se montrera.
Il en va de même pour ses origines, que le film se permet d’occulter afin de le rendre encore plus effrayant. Le scénario ne dévoile, en effet, jamais d’où vient le monstre (seuls son aspect et son mode de reproduction sont mis en scène), ni les véritables raisons de ce voyage intergalactique. Le film exploite la peur de l’inconnu d'ailleurs autant pour le xénomorphe que pour l’équipage. Bien que leurs noms et leurs rôles respectifs au sein du vaisseau soient explicités, le spectateur a, en effet, du mal à s'attacher dès le départ à ces membres et ne sait pas vraiment à qui se fier. Ce n’est qu’une fois la créature à bord et au détour d’un twist en dévoilant plus sur les intentions de la compagnie qui les emploie que le public finit par prendre son parti.
En privant de contempler frontalement le xénomorphe, le film condamne habilement à s’interroger et à sursauter dès qu’il daigne se montrer. En ne laissant aucune porte de sortie à ses personnages, il donne au métrage des allures de cauchemar éveillé. Du traumatisme de sa soudaine apparition au cours du repas, cette peur grandit au fur et à mesure qu’il évolue, son cycle de vie étant ce qui le rend angoissant. Le travail de Hans Ruedi Giger sur sa conception force alors l’admiration, de son aspect initial, le facehugger, jusqu’à sa forme définitive, avec sa tête anormalement longue, son absence d’yeux et sa bouche presque phallique.
L'opus ne s’arrête pas là, puisqu’il traite de sujets qui mirent mal à l’aise de nombreux spectateurs à sa sortie. Le film est, en effet, aussi un film sur le viol et c’est de là qu’il tient toute sa dimension horrifique. La façon dont le facehugger imprègne ses hôtes en enfonçant violemment quelque chose dans leur gorge, l’attaque sur Ripley avec un magazine, le jeu de cache-cache dans la navette entre Alien et le personnage survivant (après que ce dernier se soit déshabillé) en sont des exemples flagrants. Ridley Scott utilise les peurs sexuelles, plus précisément la violation du corps humain, pour terroriser son public.
Les dessins de Hans Ruedi Giger sont ainsi fortement sexualisés : l’ordinateur du Nostromo est appelé Maman, tandis que l’Alien est le résultat d’une fécondation entre un hôte humain et un parasite extraterrestre. Le film est alors truffé d’idées intéressantes liées à la naissance et à la reproduction, mais traitées sous angle dérangeant, presque voyeur.
Pour la musique, Ridley Scott s’est assuré les services de Jerry Goldsmith, au fil du métrage, sa partition monte en puissance afin d’être en adéquation avec les inquiétudes des personnages. Ils savent que leur destin est en suspens, qu’ils peuvent croiser la créature à tout moment si bien que le musicien s'amuse à faire ressentir cette angoisse. La composition évoque la survie et le désespoir, à coups de cuivres et de violons agressifs, le rythme s’accélère de plus en plus pour souligner l’urgence de la situation.
Alien est un splendide film de science-fiction. Brillamment réalisé, remarquablement écrit et interprété, il introduit l'un des monstres les plus emblématiques et terrifiants du cinéma. Chef-d’oeuvre de l’horreur, il est incroyable de voir à quel point il traverse les années tout en conservant son impact auprès des générations passées ou futures. En transformant l’espace en lieu clos et meurtrier, Ridley Scott adresse un message pertinent et désespéré : si l’être humain est fasciné par l'univers, l’univers attache peu d’importance à l’être humain.