Alien est MON film fondateur.
C'est lui qui a éveillé mon sens de la cinéphilie.
J'ai 11 ans lorsqu'il sort en France (mais que faisaient donc mes parents pour ne pas m'interdire tous ces films que j'allais alors dévorer en salle obscure ?? Dois-je aujourd'hui les remercier chaudement ou les agonir d'insultes et les traiter d'inconscients ?) et il s'agit de ma première claque pelliculaire, mon premier traumatisme septieme-artisitique.
Alien est le film que j'ai dû le plus voir au cours de mon existence (même si cela va faire un moment aujourd'hui que je ne m'y suis pas adonné).
Mais parlons du film, plutôt (l'ami, pas le chien)
A bien des égards, Alien marque une étape dans le film de genre, celui de la SF en général et du film de vaisseau-qui-fend-les-espaces-infinis-avec-drame-à-la-clef en particulier. Si ce n'est pas le premier à aborder le style de manière un tant soit peu réaliste au cours des années précédentes (2001, Solaris) il apparait alors comme une rupture avec ce qui a il y eu avant lui.
Après lui, les clones seront légions qui continuent aujourd'hui à sortir régulièrement des studios hollywoodiens.
C'est le premier film ou les héros apparaissent pour ce qu'ils sont censés pouvoir être: des gens normaux, membres d'équipages d'un cargo commercial dans un état, à l'instar des vaisseaux qui sillonnent nos océans au péril de l'équilibre écologique de notre planète, qui nécessite constantes réparations. On les voit en tee-shirt prendre un petit déjeuner normal en discutant de primes que certains membres de l'équipage souhaiteraient obtenir. Ce simple fait confère au film une atmosphère unique et plausible qui a énormément contribué au succès du film en son temps.
A ce titre, l'atterrissage sur la planète Alien est un morceau de bravoure qui contrastait totalement avec ce qui se pratiquait jusque là ("on se pose ? OK !" / scène suivante le vaisseau est posé).
Alien, c'est l'anti Star Trek, l'anti Cosmos 1999, l'anti Star Wars (et j'aime aussi toutes ces oeuvres) ou les héros apparaissent en pyjama et ceintures plastiques avec des flingues flous pour dézinguer les extra-terrestres nombreux, improbables et souvent bavards.
Mais il ne s'agit pas de la seule qualité du film.
Enormément d'éléments concourent à la réussite de l'ensemble.
Les décors du vaisseau sont somptueux et nous immergent totalement dans la réalité oppressante des coursives, des cales, des conduits d'aération du Nostromo, qu'on a un peu l'impression d'avoir personnellement visité au moment où Ripley lui administre le coup de grâce. Tout juste peut-on estimer que la salle réservée à "maman" est le seul élément qui a aujourd'hui assez mal vieilli avec ses loupiotes désuètes. OK, ça, je vous l'accorde.
La musique de Jerry Goldsmith, assez discrète et lancinante, accompagne le récit avec une justesse assez rare pour ce compositeur.
La brochette d'acteurs (sept, juste sept) est parfaite: Skerritt, Kotto, Holm, Hurt, Weaver, Cartwright, Stanton, putain de sans-faute !
Et, pour contribuer au niveau de l'ensemble, le soin du design des extra-terrestre (bébête plus décors et vaisseau) a été confié à H.R. Giger, et c'est une idée formidable. On ne reviendra pas sur le bestiau lui-même, repris depuis 30 ans sous toutes les coutures, accommodée à toutes les sauces (et souvent des indigestes). Mais les plans à bord du vaisseau alien sont juste inoubliables.
Bref, un chef d'oeuvre total dans son genre, d'autant plus grand que ce qui suivra dans les années suivantes renforcera cette place de film unique. Que ce soit dans les suites (oui, on va en toucher DEUX MOTS !!) ou dans les enfants plus ou moins légitimes d'Alien qui naissent depuis trente ans.
Les suites ? Allez, on va tenter de rester poli.
"Aliens" constitue à peu près ce qui pouvait se faire de pire. Et qui explique à quel point je hais James Cameron jusqu'à la fin de mes jours. Ce tâcheron sans talent ni imagination (Piranha 2, Rambo 2, Terminator 2, Alien 2, E.T. 2 (ah non, pardon, Abyss) La totale 2 (True Lies): belle carrière, respect !) prend le contrepied total de ce qui faisait la grandeur de l'original. Alien est un huis-clos oppressant ? Aliens sera une boucherie militaire pataude. Le premier est avare de dialogues ? Le second sera bavard et vain. Sept personnages dans l'un, une armée dans l'autre. Une créature indestructible dans l'original (et c'est l'essence du film !), on les flinguera à la louche dans la suite. Les exemples comme ceux-là sont légions, Cameron a commis un crime contre le septième art dont il n'aurait jamais du se relever (je l'aurai condamné à réaliser des Joséphine Ange-gardien jusqu'à la fin de ses jours, moi !). Bref.
Le Fincher (Alien 3) reviendra un peu dans le droit chemin avec son univers carcéral mais les aléas du scénar poussant à faire revenir Ripley sur le devant de la scène sont assez indigestes. Quand au chapitre de Jeunet "Alien la résurrection", c'est pas dur, j'en ai à ce jour aucun souvenir.
Et pour rester digne, je n'évoquerai pas les récents spin-off qui encrassent régulièrement les programmations de nos cinémas favoris.
Les héritiers sont paradoxalement bien plus fidèles à l'esprit. Les "Supernova", "Pitch Black", "Event Horizon" (quelle première heure !) ou plus près de nous toutes une flopée de séries B toutes aussi sympathiques les unes que les autres (ou même un "Moon" de Duncan Jones) s'en inspirent plus ou moins ouvertement et c'est un signe indiscutable de l'aspect séminal (attention, notion Inrockienne ! Mais je sais me tenir: j'ai pas placé "crépusculaire") de ce film fondateur.
Ridley Scott ne s'arrêtera pas en si bon chemin puisqu'il enchaînera sur un non moins sublime "Blade Runner" qui prouvera la qualité du bonhomme, avant de se perdre petit à petit au fil des années. Mais ceci est une autre histoire.