Alien est le genre de film qui se sublime sur grand écran. Les décors somptueux sont aussi grandioses que pourrait l’être un tombeau aux proportions pharaoniques. Mais de l’espace, cette fois. Et du futur. Un tombeau mécanique, aussi froid que le vide l’entourant, aussi effrayant que ce que ce vide peut renfermer. Des tuyaux à n’en plus finir, comme autant de ferrailles déposées jusqu’à ce que la noirceur spatiale n’atteigne même plus l’autre côté. Un tombeau en mouvement, cherchant quelque chose. Appelé. Attiré même.
L’inconnu est attirant, c’est vrai. Pour cette raison, il n’en est que d’autant plus effrayant. Mais il y a quelque chose de jouissif à revoir cette planète abandonnée. Toute une mythologie s’étale devant soi, et on n’a absolument aucune idée de ce qu’elle signifie. Un vaisseau à l’abandon, un fossile prouvant une vie extérieure, et des œufs. Un champ d’œuf. Jamais un jump scare ne sera aussi effrayant que suivi par un plan nous montrant le vaisseau inconnu. Beaucoup de questions, mais aucune réponse.
Alien utilise cette peur de l’inconnu pour faire ressortir nos peurs les plus viscérales. Et principalement une : celle du viol. Le viol physique, le viol de l’intimité… Ce n’est probablement pas un hasard si le vaisseau porte un nom aussi parlant pour nous tous : « Mother ». Ce vaisseau, c’est l’utérus confortable dans lequel rien ne nous attend, ni ne nous atteint. La forme phallique des commandes du vaisseau inconnu tenues par le fossile laisse penser que le face-hugger serait un spermatozoïde donnant naissance une fois arrivé au sein de la mère, et l’endroit où se développe en premier lieu le rejeton ne fait que le confirmer. Finalement, Alien est plus sexuel que n’importe quel slasher bas du front, et le xénomorphe est plus phallique que tous les cigares de Schwarzie réunis.
Vous n’allez pas me dire que ce plan sur la queue de l’alien remontant doucement la jambe de Lambert n’est pas évocateur ?
On parle pourtant d’un étranger réunissant les proies, les faisant prisonnières pour les féconder contre leur gré. Merde, la double-mâchoire, la bataille finale en petite culotte, tout est là pour rendre l’expérience toujours plus malsaine, jusqu’à opérer dans le viol mental chez le spectateur. Ne parlez plus de féminisme, rien de plus logique que d’avoir une femme en héros ici.
Le film ne se gêne pas pour se glisser sous votre peau, vous laissant l’envie de vous gratter, tout en vous sachant impuissant face à ce qui habite chez vous. C’est un véritable festin de corps étrangers infiltrant votre corps, si précieux, si intouchable, et pourtant si vulnérable. En y repensant, on ne peut qu’être dégoûté face à la façon dont le xénomorphe a dû être infiltré dans le corps de ce pauvre Kane.
Rares sont les films qui jouent aussi bien de nos peurs aussi personnelles, tout en restant universels. Un film à l’esthétique mécanique, et pourtant tout à fait viscéral. L’envie de tout sur-expliquer dans des préquelles et des spin-offs des dizaines d’années plus tard ne m’empêchera de trouver ce film aussi mystérieux que passionnant.