Alien: Romulus
6.6
Alien: Romulus

Film de Fede Alvarez (2024)

Après avoir été en errance spatiale pendant des années avant que Ridley Scott ne revienne foutre le bordel, Alien semblait enfin de retour avec ce Romulus !

Fede Alvarez, le surdoué qui avait réussi à remaker Evil Dead en y apportant une touche dramatiquement sérieuse et tout aussi terrifiante, semblait le soldat idéal pour retrouver le xénomorphe et l'envoyer torturer de nouvelles âmes perdues dans le cosmos.

Et c'est ce qu'il a fait. Un peu trop d'ailleurs.


Alors commençons par l'évidence : dieu que c'est beau.

Ça faisait un moment qu'on avait pas vu un film de licence mis en scène par un nouveau venu avec autant de soin à l'écran. Décors, maquettes, costumes, lumière, découpage : tout est au cordeau et Fede semble s'être mis une pression monstre pour être à la hauteur de ses illustres prédécesseurs, les 2 premiers Alien étant des modèles d'horlogerie où tout est parfaitement coordonné, méticuleusement déployé, merveilleusement exécuté.

Romulus fait honneur à la saga, retrouvant aussi bien son élégance glaçante, sa nervosité percutante ou son univers dépeint avec un soin maniaque.

L'excellence de la marque se retrouve à l'écran, et ça fait plaisir de voir un film de studio où le pognon se voit à l'écran, sans être dans l’esbroufe mais bel et bien dans la peinture méthodique d'un univers aussi fascinant car bourré des détails qui le rendent tangible.


D'ailleurs, il en a aussi capté les points les plus importants : la société tentaculaire Weyland-Yutani qui perpétue le pire du capitalisme à un niveau spatial en exploitant tout le monde partout, les pauvres ouvriers qui en sont les victimes perpétuelles, les androïdes meilleurs alliés des enfoirés, les enjeux de pouvoir et financiers au dessus de toute considération existentielle pour les pauvres gens...

Il déploie ainsi une grande connaissance de l'univers et de l'ADN "Alien", qu'il synthétise ici et dont il extrapole surtout certains points précisés plus haut, allant aussi piocher gentiment dans certaines considérations de Prometheus et Covenant sur "l'essence" de la fameuse bestiole.

Ainsi, Romulus semble être un terrain de jeu pour Alvarez, qui peut explorer l'univers d'Alien à sa guise pour lui aussi faire mumuse avec de pauvres ouvriers qui vont tomber sur le mauvais vaisseau et y faire une rencontre tragique.

Sauf que le terrain de jeu en question est balisé de A à Z, et que vous le connaissez déjà.


Reprenant d'abord la structure du film de Ridley Scott pour ensuite tendre vers celui de James Cameron (d'autant que le film se passe chronologiquement entre les deux), Romulus semble être au final un énorme best-of de la saga, reprenant ça et là les scènes cultes et les images clés, avec notamment :

- Le vaisseau spatial abandonné bien claustro qui a des airs de maison hanté SF

- Les interrogations sur pourquoi ce gros machin s'est accroché à la tête de machine

- Attention, ce hangar dans lequel il pleut cache une surprise

- Merde, le sang du xénomorphe va faire des trous partout

- Tiens donc, les androïdes sont des enfoirés

- Punaise, tout risque de péter avant la fin

- Prenez ces fusils avec les compteurs de balle dessus, ça va canarder...

Et ainsi de suite, et ainsi de suite...


Quand bien même il voue une déférence et un amour total à la saga, qui transparaît encore une fois dans une fabrication flamboyante, Fede Alvarez ne fait qu'aligner les scories et citer à tort et à travers des scènes et des éléments de scénario qu'on connaît déjà, rejouant la scène de l'ascenseur, l'accouchement très douloureux, les fuites perpétuelles ou la technologie qui se retourne contre ses utilisateurs.


Alien: Romulus devient donc un pur film d'exploitation, donnant à son spectateur ce qu'il attend précisément de la saga, et ce qu'il en connaît déjà, sans jamais tirer son épingle du jeu ou se démarquer de ses modèles, allant même jusqu'à reprendre un élément clé de l'horrible Alien Resurrection en le réussissant ce coup-ci, mais sans innover pour autant.

Il y a certes de superbes idées scéniques, comme la traversée en zéro gravité d'un couloir infesté de sang acide, ou la première apparition du xénomorphe assez jubilatoire, mais elles sont situationnelles plus que narratives, et le fond de l'affaire a déjà été raconté mille fois, même s'il faut saluer la cruauté du film envers ses personnages. Et certains clins d'œil bien appuyés (la paire de chaussures, une réplique culte régurgitée sans un dixième de l'impact original...) enfoncent un peu le clou dans le mauvais sens.


Quelque part, Romulus ressemble à la suite directe qu'aurait pu avoir Alien à l'époque si les producteurs ne s'étaient pas trop cassés le cul pour faire une suite, et si un mec comme James Cameron n'avait pas pris le taureau par les cornes pour y apposer sa patte et contribuer grandement à l'univers, tout comme le troisième opus malade et nihiliste de Fincher.

Le film est aussi la démonstration de l'importance capitale du personnage de Ripley, qui est évidemment singée une nouvelle fois par l'héroïne du jour, bien campée par Cailee Spaeny, tout comme Katherine Waterston tentait déjà sa chance dans Covenant.

Le parcours de Ripley et son évolution au fur et à mesure de la saga formaient le cœur narratif de ces films, l'évolution de la bête y étant intimement liée, rendant les deux d'autant plus fascinantes. De la même manière qu'un boogey-man et sa première final girl, son absence réduit la saga à des gimmicks réemployés à vide, sans la même force originelle, exactement comme Star Wars sans Luke Skywalker, soulignant combien un bon personnage drive toute une épopée.


Alors au final, ce nouvel Alien est un peu décevant.

Bien plus honnête et volontaire que les tentatives mégalo de Ridley Scott, évidemment sans commune mesure avec les cross-overs, mais ça reste un exercice un peu scolaire, une série B deluxe excellemment fabriquée, qui ne dépasse jamais son statut d'énième variation sur la Rolls du genre.

Alien a été l'une de ces sagas qui a ouvert la boite de pandore et marqué l'imaginaire collectif par sa mythologie passionnante en gestation permanente, en ayant des zones d'ombres aussi fascinantes que terrifiantes.

Et comme Star Wars avant elle, comme Jurassic Park, comme Terminator, comme à peu près tous les pavés dans la mare des années 70-80, elle se voit ici réduite à une recette sans nouveauté, qu'on nous ressort une fois encore.

Alors encore une fois, c'est bien mieux branlé qu'à l'accoutumée et le résultat est plaisant, certes.

Mais ça ressemble grandement au fan film le mieux produit jamais fait.

Xidius
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le 14 août 2024

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Xidius

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