Je m'disais, il y a quelques heures avant la séance, que sans doute m'offrirais-je une seconde projection dans la foulée si le film est très bon. Les dernières notes du générique de fin passées, de s'envoyer un café dans le conduit digestif avant d'allumer le contact de la voiture, il n'y aura finalement pas de seconde séance.
Si je peux expliquer : Alien : Romulus n'est pas mauvais mais est loin d'être un film excellent aussi. Du point de vue des images, des lumières et des cadrages, des ambiances rendues, Fede Alvarez a fait un boulot remarquable. Les personnages ? Ils nous sont présentés liés par une amitié bien soudée, tous décidés à se barrer de la planète où ils vivent, un monde obscure où l'on ressent la Weyland-Yutani brider à sa guise, de son énorme poids administratif, les envies d'exile et de liberté en pratiquant une exploitation écrasante sur les colons ouvriers qui sont tués à la tâche ou crèvent de maladie. Là-dessus, Alvarez fait un rappel, plus évident ici, de la monstruosité empirique de cette Weyland loin des respects des conditions humaines. Et ça fait froid dans le dos.
Arrivés sur une énorme station en dérive orbitant autour de la planète, nos six jeunes aventureux, trois femmes, deux hommes et un androïde nounou un peu neuneuh mais fort sympathique, ont besoin d'une ressource pour partir au-delà d'un système planétaire qui ne leur offre qu'enfer. Et d'enfer, autant dire qu'ils ne s'en sont pas encore sortis avec ce qui les attend. Évidemment, en ayant appris plus sur ce qu'ont vécu ces personnages au travers de leurs discussions, ça nous prépare à une horreur beaucoup plus cruelle pour certains d'entre eux, même pour l'androïde dont l'attachement réciproque avec un des personnages est un point d'ancrage émotionnel du film (pas aussi fort que celui existant entre Newt et Ripley dans Aliens mais qui nous tient quand même).
Quand t'apprends que l'une des jeunes femmes est enceinte, ça présage une dégueulasserie à redouter que l'on peut s'imaginer si Fede Alvarez va au bout d'une idée malsaine qu'il pourrait nous réserver, car j'ai pensé : "Quelle horreur !"
De découvertes en révélations dans cette énorme station, de trouver la porte de sortie coûtera cher. Il y a des scènes gore mais pas au point d'être insurmontables (bridage de Disney à supposer) qui peuvent être ressenties cruelles pour quelques personnages. Les créatures sont réussies, des facehuggers qui grouillent au grand xénomorphe redoutable ... et cette chose dérangeante quoique discutable. Les enjeux de la Compagnie sont présentés clairement au travers d'expériences liées à une science sans conscience comme la technologie qui exécute des protocoles au mépris de la vie humaine. Il y a évidemment une question d'éthique là-dedans.
Là où ça se gâte, c'est lorsque des répliques cultes ont été pêchées de précédents films de la saga, ce qui n'a pas manqué de déclencher des levages des yeux et des soupirs d'agacement.
Mais bordel, même si dans Alien : Romulus ça ne manque pas d'idées inédites comme les passages en zéro gravité dont un avec les flaques d'acide en suspension et une étape de développement jamais montrée jusque-là de la créature, ces dialogues clins d'œil gâchent beaucoup l'appréciation du film dans lequel un cinéphile aguerri se serait bien passé, sans parler du mixage d'éléments des six autres précédents films plus ou moins bien amenés et présentés en des scènes pouvant être considérées trop balisées et très calquées pour certaines d'entre elles. Le voyant rouge fan service est allumé de son plus gros éclat sur le pupitre du fond de notre œil dans la seconde moitié du film. Une tare de facilités alors que l'œuvre cinématographique aurait pu avoir son caractère propre avec des répliques propres à elle.
En parlant de clin d'œil, il y en a même un venant de Life on dirait, avec l'expérience sur le rat.
Il est sûr que le film va plaire à des jeunes qui ont envie de découvrir cette saga par cette dernière réalisation avec de jeunes acteurs, mais que vont-ils penser du film, à moins de ne pas être exigeant, quand ils visionneront ceux que leurs parents regardaient dans le passé avec les dites répliques pêchées déjà ? S'il peut nous être reprocher de faire le difficile, il faudrait arrêter aussi de l'autre bord de nous emmener dans des chemins de déjà-vu trop empruntés.
Alien : Romulus est un film de science fiction horrifique très moyen hélas car finalement la déception n'a pu être évitée par des dialogues contenant des répliques honteusement pompées et des idées, certaines bonnes mais vite expédiées et d'autres archi calquées. Que Fede Alvarez ait cherché à faire plaisir à un public qui n'aime pas être pris à rebrousse-poil hors d'un confort (à la probable demande de la maison Disney faut-il supposer) et, par-delà, à faire plaisir à Pépé Scott qui doit toujours en mouiller sa couche, il n'y aurait qu'un petit pas à franchir.