Avec un aficionado du cinéma d'horreur tel que Fede Álvarez, la monstruosité viscérale d’Alien semblait entre de bonnes mains, même si le cinéaste a souvent tendance à se court-circuiter dans le jusqu'au boutisme de ses intrigues. Pour être sûr de viser juste, et sûrement assouvir sa nostalgie créatrice, il place ce nouvel épisode entre Alien et Aliens, et le prouve instantanément dans ce choix de production typiquement à l'ancienne, jusque dans la conception et le tournage. Cela se reflète, par exemple, dans le texte introductif, l'exposition du groupe de jeunes au centre du récit, ou bien le retour à une technologie rétro à base d'écrans cathodiques. En termes d'atmosphère, le prologue en surface embrasse totalement Blade Runner, avec ces lumières orangées blafardes suffocantes, tandis que l'expédition spatiale respecte le style Tech Noir et parvient à nous faire ressentir la menace du vide sidéral autour de la navette, encore plus prégnante lorsque les Xénomorphes commencent à se manifester. Les décors sont fantastiques, imprégnés de cette horreur claustrophobe viscérale des intérieurs délabrés d'un vaisseau de fortune. Et les plans de pure SF que conjure le cinéaste s'inscrivent dans une grandeur cosmique fataliste digne des années 80. On apprécie ainsi pleinement la mesure des effets visuels numériques, et le caractère bien plus saisissant des effets pratiques, menant à un finale cauchemardesque, en image du moins.
La bande-son de Benjamin Wallfisch est tournée vers l'effroi sonore, ré-empruntant les thèmes clés de Goldsmith, Horner et accueillant aussi celui de Prometheus lors des connexions avec le prequel de Scott. Wallfisch n'est pas une pointure d'originalité et a pris l'habitude de référencer d'anciennes œuvres vu qu'il signe majoritairement des suites/reboot. C'est pourquoi on constate moins de réflexion dans la conception musicale que pour les films précédents, même si le combo cordes discordantes et sons aliénants reste efficace. En complément, le sound design est véritablement agressif, avec un traitement métallique à l'ancienne - strident, grésillant - souvent inconfortable. Dans le même ordre d'idées de réaliser cet Alien: Romulus comme il y a 40 ans, on trouve également une action hyper-cuttée, peu lisible, et de ce fait frustrante au vu de sa générosité et de la production visuelle. La caméra semble parfois même esquiver la mise en évidence des créatures extraterrestres, comme pour cacher des costumes trop évidents (ce qui n'est pas le cas). En revanche, on peut noter un hommage numérique maladroit (Ash). C'est également difficile d'être convaincu par le casting très ado, dégageant peu de charisme, et encore moins de crédibilité du fait de leur manque d'expérience et immaturité.
Effleurant tout juste les deux heures, le long-métrage se montre direct dès que surviennent les premières péripéties, suite à un démarrage plutôt orienté ambiance et jouant de silences tendus. Toutefois, l'absence de respirations se fait alors ressentir, notamment dans les précipitations finales, tendant à la surenchère gratuite. Avec ce neuvième film, le cinéaste uruguayen consolide les codes de la franchise, sans être capable d'y apporter une ouverture particulière. On se plaît à voir une pellicule de genre façonnée dans le moule de ses aînées, mais qui en fait parfois trop sous couvert de révérence. En essayant de corriger les écarts de conduites de certains épisodes, et de tout faire converger en une œuvre unique, Alien: Romulus apparaît plus comme un récapitulatif bilan de 45 ans de terreur spatiale Gigerienne.