« You're not a very good liar, Mr. Weyland. » ALEXA WOODS

La compagnie Dark Horse Comics possède les droits de la saga Alien et celle de la saga Predator pour la parution de comics. Chacune des saga, respectivement, font un carton sur papier. L’auteur Randy Stradley commence à y voir l’occasion d’une rencontre entre les deux espèces extra-terrestres. Ce sera chose faite en juin 1990 avec la parution du comic Aliens vs. Predator. Devant l’engouement suscité par ce crossover, les dirigeants de Fox n’excluent pas l’idée de croiser le xenomorphe et le chasseur de l’espace au cinéma.

Ainsi, un petit clin d’œil à la saga Alien a lieu dans Predator 2 réalisé en 1991 par Stephen Hopkins, où un crâne de xenomorphe apparaît furtivement dans la salle des trophées des Predators.

Dès l’année suivante, le scénariste Peter Briggs s’attèle à l’écriture d’un script alors que Alien 3 est déjà en production, mais sans en parler à la Fox. Il présente ensuite son projet aux studios, qui se montrent enthousiastes et envisagent de le porter à l’écran. Le scénario de Peter Briggs respectait à peu près l’intrigue du comics. Cependant, l’idée d’un long-métrage réunissant les deux monstres ne passe pas chez Brandywine Productions, également détenteurs des droits de la franchise Alien. Selon eux, ce nouveau film ne ferait que conduire la saga à sa perte et lui faire perdre en crédibilité.

Le scénario de Peter Briggs est donc mis au placard, mais pas totalement abandonné, les dirigeants de la Fox ayant espoir de reprendre le projet quelques années plus tard, le temps que Alien : Resurrection, le quatrième opus de la saga Alien, soit sorti.

En 2002, le réalisateur Paul W. S. Anderson, tout juste auréolé du succès commercial de l’adaptation cinématographique Resident Evil, rencontre John Davis, producteur de la franchise Predator, à qui il résume un scénario sur lequel il travaille depuis quelques années narrant la rencontre entre les deux créatures et montre certains concept arts. Très impressionné par les travaux du réalisateur, John Davis essaie de réunir les autres producteurs de chaque saga, mais ces derniers sont toujours réticents à l’idée d’un film mettant en vedette le xenomorphe et le chasseur extra-terrestre, d’autant plus qu’en parallèle, Ridley Scott et James Cameron travaillent déjà sur un cinquième film qui reviendrait sur les origines de la créature.

Les dirigeants de la Fox interviennent et donnent finalement leur feu vert pour Alien vs. Predator, au grand dam de James Cameron, qui estime que ce crossover ne fera que tuer les deux franchises.

Paul W. S. Anderson commence dès lors à travailler avec Shane Salerno. Le réalisateur a notamment refusé consécutivement deux projets pour tourner Alien vs. Predator : il était en effet en première ligne pour mettre en scène Mortal Kombat : Domination (qui ne verra jamais le jour) et Resident Evil : Apocalypse (où il va demeurer producteur).

Paul W. S. Anderson et Shane Salerno passent six mois à écrire le scénario et terminer son développement. Anderson souhaite pour ce crossover utiliser une séquence décrite dans le scénario de Dan O’Bannon pour le premier volet et qui a été supprimée. À la base, lorsque l’équipe du Nostromo s’arrête sur la planète d’où provient le signal de détresse, les astronautes explorant les lieux devait en effet découvrir une ancienne pyramide d’origine inconnue dans laquelle se trouvait les œufs et non l’épave d’un vaisseau spatial. Influencé par l’auteur Erich von Däniken, Anderson effectue donc des recherches sur les théories avancées par ce dernier sur la façon dont il croyait que les premières civilisations étaient capables de construire des pyramides massives avec l’aide d’extra-terrestres.

Le roman At the Mountains of Madness de l’écrivain américain H. P. Lovecraft sert aussi d’inspiration au film, évidement. Contre toute attente, le scénario d’Anderson et de Salerno ne se déroule pas dans l’espace ni dans un futur éloigné, mais sur Terre à une époque contemporaine, faisant de ce film un opus à mi-chemin entre les deux sagas, un épisode intermédiaire censé faire le lien entre elles et constituer à la fois une prequel à la saga Alien et une suite à la saga Predator.

Alien vs. Predator sort donc en 2004 et va nous narrer la rencontre, tant attendu, entre deux créatures du monde de l’horreur, sources de fascination et de cauchemars.

Le film s’ouvre alors qu’une mystérieuse onde de chaleur provenant de l’Antarctique se déclare et s’étend sur toute la banquise. Pour étudier ce phénomène, le milliardaire Charles Bishop Weyland décide de lancer une expédition à laquelle il participe, menée par une équipe composée de militaires, historiens et scientifiques, et dirigée par l’exploratrice Alexa Woods. En se rendant sur les lieux, l’équipe trouve une pyramide ancestrale. Des Predators font dès lors leur apparition pour subir leur rite de passage et les humains découvrent que ces derniers détiennent captive une Reine Alien dont la progéniture sert de proies pour les Predators.

Avec un potentiel aussi immense et démesuré que le laisse présager son concept alléchant, le film peut souffrir de la comparaison avec les opus dont il est tiré et a du mal à cacher son image d’œuvre hybride censée faire le lien entre deux franchises. Le spectateur le plus sceptique doit donc faire fi de toute vraisemblance et passer sur certains détails. Il réussit cependant à s’inscrire dans la chronologie des films avec, pour point de départ, la naissance du conflit entre Predators et xenomorphes. Au regard des recherches et des efforts réalisés pour se raccrocher aux deux sagas, le film fait preuve d’un amour inconditionnel et d’un profond respect de la part de son réalisateur et scénariste envers leurs univers.

Le réalisateur s’amuse à enchaîner les effets de surprise, mouvements de caméras et scènes au ralenti lors des moments d’actions et des combats où tous les coups sont permis et où quiconque rencontre le chemin des deux bêtes est assuré de connaître un destin funeste. Les attaques, hurlements et autres offensives sont légion et Anderson utilise pour contenter le plus grand nombre tout l’arsenal dont les monstres sont dotés : vision infrarouge, invisibilité pour l’un, facehugger, œufs et sang acide pour l’autre.

L’histoire narre également le fameux rituel initiatique des Predators, un des thèmes chers à la franchise initiée par McTiernan et jusqu’ici peu évoqué. Les films précédents où apparaissait le chasseur extra-terrestre insistaient beaucoup sur leur nature insidieuse et la réduction de l’homme au statut de proie. Or, leur côté guerrier était souvent mis à l’écart, tout comme leurs coutumes et la sacralité de leur rite de passage, qui consiste à ôter la vie à un être d’une espèce qu’ils considèrent inférieure, pour ensuite pouvoir prétendre faire partie de leur tribu. C’est donc l’occasion d’en apprendre plus sur leurs mœurs, leurs pratiques et la relation qu’ils entretiennent avec l’humain depuis l’Antiquité. Le film permet d’ajouter une pierre à l’histoire de la créature.

Le récit donne le sentiment que Anderson sait parfaitement comment gérer son scénario, ses lieux et ses monstres pour lesquels il éprouve un profond respect. On peut juste regretter à quel point les xenomorphes sont ici réduits à de simples créatures agressives avides de chair humaine, là où les films précédents insistaient sur leur côté mystique et leur cycle de vie fascinant et inquiétant. Heureusement, la Reine Alien sauve le tout, ainsi que le xenomorphe facilement repérable grâce à sa blessure au crâne.

D’ailleurs, les designers Alec Gillis et Tom Woodruff Jr. ainsi que le superviseur des effets visuels John Bruno étaient tous partisans d'un recours limité à l'infographie. Environ trois quarts des effets spéciaux sont physiques. C’est très appréciable, surtout qu’ils se sont appuyés sur les dessins originaux de Hans Ruedi Giger pour la saga Alien et les concepts de Stan Winston pour la saga Predator.

Le film offre son lot d’action et de terreur, les créatures surgissent de tous côtés, prêtes à en découdre et à prendre le dessus sur leur adversaire. Les personnages humains se retrouvent au milieu de cette bataille et le public finit par craindre pour leur survie, le film ne lésinant pas sur les effets graphiques et moments de suspense lors de leurs trépas. Les Predators, jusqu’ici présentés en chasseurs impitoyables éliminant tout sur leur passage, prennent une dimension plus humaine au fil de l’intrigue.

Lance Henriksen qui avait interprété l’androïde Bishop dans Aliens et Alien 3 est de retour dans la peau de Charles Bishop Weyland cette fois. Bien que les films de la saga Alien se déroulent dans le futur, Anderson tient à conserver leur continuité en incluant un personnage familier et connu de tous. Henriksen joue donc le rôle de Charles Bishop Weyland, cofondateur de la compagnie Weyland-Yutani et milliardaire fasciné par la conquête spatiale. Avec ce film, Lance Henriksen devient le second acteur au monde dont les personnages ont été victimes à la fois d'un Alien (dans Aliens), d'un Predator (dans ce film) et d’un Terminator (dans The Terminator), le premier étant Bill Paxton.

Charles Bishop Weyland est accompagné de mercenaire dont on retiendra surtout Colin Salmon qu’on a déjà vu dans le Resident Evil de Anderson (et dont la mort sera la même). Le deuxième a retenir notre attention est Tommy Flanagan incarnant le mercenaire Mark Verheiden en référence à l’auteur de comics Mark Verheiden, créateur de la première série de comics Predator dans les années 90.

Si Colin Salmon et Tommy Flanagan sont britanniques, le reste du casting est aussi composé d’acteurs européens. Ainsi, l’italien Raoul Bova campe le professeur et archéologue Sebastian De Rosa. L’acteur écossais Ewen Bremner joue le docteur Graeme Miller, un ingénieur chimiste. L’acteur danois Carsten Norgaard (qui a déjà travaillé avec Anderson dans Soldier) interprète Rusten Quinn, chef de l’équipe de forage. Et enfin, cocorico, la française Agathe de La Boulaye incarne la mercenaire Adèle Rousseau.

Pour le casting féminin principale : Alexa Woods, plusieurs centaines d’actrices auditionnent. Le rôle échoue finalement à Sanaa Lathan qui fait pâle figure face à une Ellen Ripley, il faut le dire.

Arnold Schwarzenegger a été approché pour reprendre son rôle de Dutch, présent dans Predator, le temps d’un cameo en fin de métrage, mais l’acteur refusera poliment l’invitation après avoir été élu gouverneur de Californie. Quant à Sigourney Weaver, elle refusera catégoriquement d’apparaître dans le film ou que son personnage y soit mentionné, ayant considéré le projet d’un crossover comme épouvantable.

Et la critique se range du côté de Sigourney Weaver. Le film est en effet descendu en flèche par une majeure partie des spécialistes, mais aussi des fans de la première heure, qui félicitent son aspect visuel, ses effets spéciaux de premier ordre, ses décors grandioses et le charisme toujours intact de ses deux créatures vedettes, mais trouvent le long-métrage ennuyeux, mal écrit et transparent, tandis que d’autres journalistes, beaucoup plus sévères, le jugent stupide et méprisable.

Quant à moi, Alien vs. Predator est une petite madeleine de Proust. Un film que je regardais sans cesse en DVD lors de mon adolescence. Un de mes premiers DVD acheter par moi-même à la FNAC de Paris Saint Lazare. Peut on appeler ça : un plaisir coupable ?

Alien vs. Predator est le grand affrontement que j’avais espéré entre deux monstres sacrés du cinéma d’horreur. Il est un film aux ambitions modestes dont le résultat final me convainc. Cependant, il est un délire de fan, d’attardé, presque une exclusivité, pour les mêmes qui ont appréciés Freddy vs. Jason l’année précédente (moi !).

StevenBen
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le 20 août 2024

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Steven Benard

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