« Get away from her, you bitch ! » ELLEN RIPLEY

Alien a été un succès considérable pour 20th Century Fox. Présenté comme un film de monstres classique, il a, pour l’époque, bouleversé les codes du genre et accéléré la carrière de Ridley Scott. Avec plus de cent millions de dollars au box-office, il était inévitable que dès 1979, peu après la sortie du premier volet, une suite des aventures du monstre soit envisagée.

Annoncé en grande pompe par les producteurs Walter Hill et David Giler via leur société Brandywine Films, ce second volet va connaître une naissance douloureuse. Le premier obstacle à la concrétisation de ce second opus fut celui par qui tout a commencé. Propulsé sur le devant de la scène, Ridley Scott croule sous les projets. Hélas, en 1980, la mort de son frère, Frank Scott, des suites d’un cancer, met un frein à ses rêves de cinéma. Dévasté par ce drame, le réalisateur envisage de se retirer des caméras.

En parallèle, David Giler et Walter Hill sont en conflit avec la 20th Century Fox et attaquent le studio en justice pour mauvaise répartition des bénéfices du premier épisode, à peine celui-ci sorti au cinéma. En réponse, le patron de l’époque, Alan Ladd Jr., refuse de financer le second volet. Les deux parties mettront quatre ans à trouver un accord et le duo de producteurs s’en sort avec un pourcentage conséquent ; Alan Ladd Jr., lui, est démis de ses fonctions. Le nouveau dirigeant, Lawrence Gordon, se montre intéressé et commande aussitôt une suite de Alien.

Pendant ce temps, James Cameron vient tout juste de terminer l’écriture de son futur premier blockbuster : Terminator. Le jeune réalisateur souhaite voir Arnold Schwarzenegger dans le rôle-titre, mais ce dernier est déjà sur un autre tournage, il doit décliner l’offre. James Cameron fait alors le choix de se consacrer à d’autres projets le temps que le comédien soit de nouveau disponible. Le scénario de Terminator tombe ainsi entre les mains de Larry Wilson, producteur exécutif du futur second Alien. Impressionné par son travail, il propose à James Cameron d’écrire ce nouveau film.

Grand amateur du premier opus, James Cameron saute sur l’occasion et réfléchit à un synopsis. En quatre jours, il rédige un traitement d’une quarantaine de pages et y joint une peinture représentant une immense Reine Alien. Si le concept plaît à Giler et Hill, la Fox n’est pas convaincu. Mais Cameron ne se laisse pas abattre et au bout de quelques semaines, il présente un nouveau script incomplet, mais suffisant pour voir la Fox accepter de financer le projet et lui confier la réalisation.

Les dirigeants du studio imposent tout de même une condition : le film ne verra le jour que si Terminator est un succès.

Terminator sort en 1984, le film récolte 80.000.000$ au box-office à travers le monde pour un budget de seulement 6.500.000$. La Fox respecte ses engagements et Aliens sort en 1986, le film va récolter 130.000.000$ pour un budget de 18.000.000$. 

C’est un pari réussi.

Le récit débute 57 ans après la perte du Nostromo, la navette d’Ellen Ripley étant retrouvée et ramenée sur Terre. À son réveil, la jeune femme est convoquée devant ses employeurs de la compagnie Weyland-Yutani qui ne croient pas à son histoire de créature et lui reprochent d’avoir fait sauter le vaisseau et sa cargaison. D’autant plus que pendant son sommeil, une colonie de scientifiques s’est installée sur la planète LV-426 et n’a signalé aucune menace. Mais bientôt, la compagnie perd contact avec eux et décide d’envoyer une troupe de Marines armés jusqu’aux dents afin d’en savoir plus. Ripley accepte à contrecoeur de les accompagner en tant que consultante.

Aliens est le genre de suite qui, sans surpasser son prédécesseur, parvient à l’égaler en terme de qualité et de suspense. Le premier était un film d’horreur anxiogène qui traitait de sujets profonds tels la sexualité, la peur de l’inconnu, l’exploration et les horreurs de l’espace. Grand admirateur du travail de Ridley Scott, James Cameron prône pourtant l’innovation et fait le choix judicieux de ne pas reproduire le premier volet. Le réalisateur ne garde donc du film de référence que certains éléments essentiels, à savoir la créature et le personnage survivant, dont il fournit quelques évolutions. Ce second film prend ainsi des airs de film d’action en s'inspirant des événements de la Guerre du Viêt Nam.

James Cameron fait parler les armes et joue à fond la carte de la confrontation. Plus question de cacher la créature, plus de couloirs longs et sinistres, le cinéaste livre une oeuvre intense, qui tranche avec le côté calme et angoissant du premier volet. Tout comme son aîné, le film part d’un scénario classique pour tout réinterpréter à sa manière, fusionnant film de guerre et de science-fiction. Ainsi, au lieu d’une petite équipe, il met en scène une armée de Marines, une planète entière à la place d’un vaisseau, il n’y a plus un seul xenomorphe, mais une centaine. James Cameron voit les choses en grand et crée un monde convaincant, riche en effets spéciaux et en surprises. Tout au long du récit, l’ensemble ne faiblit jamais et ressemble à un tour de montagne russe.

Cette fois, l’objectif n’est plus de fuir la créature, mais de l’affronter : il est question de se battre et plus seulement de survivre. En inversant les enjeux, ce second volet complète magnifiquement le film de Ridley Scott, tout en se différenciant.

La où le premier volet faisait passer le xenomorphe pour l’antagoniste, sa suite pose la question inverse : et si le monstre n’était pas celui auquel tout le monde pense ? L’homme souhaite partir à la conquête de l’espace et façonner l’univers à son image. C’est à l’environnement de s’adapter à ses besoins et non l’inverse. Cette conception est très bien représentée par la compagnie Weyland-Yutani, responsable de la colonisation de la planète LV-426. Les humains détruisent tout ce qu’ils touchent, alors que les xenomorphes sont prêts à tuer ceux qui osent troubler leur quiétude. Voyant les colons envahir leur espace vital, les xenomorphes n’ont-ils pas fait que protéger leurs terres ? En envoyant des soldats se battre contre la menace extra-terrestre, la compagnie n’aggrave-t-elle pas la situation ? Outre ses airs de film d’action, ce dernier possède différents niveaux de lecture et invite à réfléchir sur l'impact de l'homme sur la nature, en l'espèce, une planète qui ne lui appartient pas.

Mais le vrai point abordé par le film est sans conteste celui de l’amour maternel, incarné par le personnage de Ripley et sa relation très fusionnelle avec la petite Newt. Dès le départ, elle se sent responsable de la survie de son équipe et n’a pas peur de tenir tête aux Marines en les avertissant du danger qui les menace. Lorsqu’ils découvrent que la jeune Newt est la seule survivante du massacre des colons, Ripley la prend sous son aile et s’évertue à la protéger à tout prix. Dans une scène coupée au montage, présente dans la version longue, Ripley apprend la mort de sa fille alors qu’elle dérivait dans l’espace en biostase. Un choix regrettable, qui aurait permis de mieux cerner sa relation avec Newt. 

Cette scène devait établir dès le départ la souffrance et le manque de Ripley, mais a été coupée du film à cause de contraintes de longueur, ce qui a fortement déplu à l'actrice Sigourney Weaver qui selon ses dires a basé toute sa performance sur cette tragédie. Déjà que Sigourney était réticente à l'idée de reprendre son rôle de Ripley... Elle craignait que le scénario d'une suite appauvrisse complètement son personnage et nuise au premier volet. Cependant, elle fut impressionnée par le travail d'écriture de James Cameron et plus particulièrement par cette relation qui unissait son personnage et Newt.

Le spectateur compatit aussitôt à la colère de l’héroïne, sa détermination pour sauver une enfant qui n’est pas la sienne. Entrant dans une rage folle, elle passe de victime à guerrière capable de gérer une crise. Le film est féministe, la gente masculine étant volontairement mise à l’écart pour permettre au personnage principal de s’affirmer. Car il s’agit aussi d’un duel de femmes, une humaine face à une Reine, qui envoie ses enfants éliminer des intrus venus envahir leurs terres. Une rencontre au sommet constituant le climax du film où, emprunte d’une pulsion maternelle, Ripley s’engouffre dans le caveau de la Reine Alien (dessiner par James Cameron en s’inspirant des dessins de Hans Ruedi Giger) pour récupérer Newt et n’a pas peur, plus tard dans le récit, de provoquer son ennemie au détour d’une réplique devenue culte.

De retour dans la peau de la fameuse navigatrice, Sigourney Weaver porte presque le film à elle seule. Nommée pour l’Oscar de la meilleure actrice pour sa performance, elle crève l’écran, livre une prestation convaincante, enlevée, pleine de justesse et continue d’incarner cette femme forte que rien n’arrête (le film gagnera l’Oscar des meilleurs effets visuels et celui du meilleur montage sonore).

Même si le film fait la part belle à son actrice principale, il ne faut pas oublier les autres membres du casting qui gravitent autour d’elle. Michael Biehn tire ainsi efficacement son épingle du jeu, Jenette Goldstein offre une alternative sympathique à Ripley en tant que femme forte, Paul Reiser joue bien son rôle d’antagoniste à la seule recherche du profit, Bill Paxton et William Hope sont attachants, Carrie Henn est convaincante et le spectateur est immédiatement touché par sa détresse. Enfin, Lance Henriksen est excellent en androïde, dont le courage et l’abnégation font de lui un personnage nettement plus humain que la plupart.

Tout comme son prédécesseur, Aliens est considéré comme un classique de la science-fiction. Magnifiquement filmé, fort de personnages sympathiques et intéressants, d'effets spéciaux réussis, de scènes d’action explosives et de monstres effrayants, il s'agit du chapitre le plus intense de la saga. Porté à bout de bras par des acteurs charismatiques, bénéficiant du talent de James Cameron, il confirme le statut culte de la franchise.

StevenBen
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le 17 août 2024

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Steven Benard

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