On le sait, les séquelles ont toujours eu mauvaise presse mais il arrive parfois qu’elles supplantent l’oeuvre originale. S’il sera difficile de faire accepter cette vérité aux plus fervents admirateurs de Alien le huitième passager, le fait est que James Cameron en prend le contre-pied sans jamais trahir l’adage du bigger & louder. Plus d’aliens, check. Plus d’action, check. Plus de morts, check. Plus d’ampleur, check. Plus de peur ? Rien n’est moins sûr. De toute manière, l’heure est alors au triomphalisme Reaganien, les héros fiers à bras bandent leurs muscles saillant et exposent toute leurs virilités à l’écran. Au sortir du triomphe de Terminator, James Cameron se positionne naturellement comme le chantre de l’actionner science-fictionnel. Mais il est aussi un homme de défi qui ne se soumet jamais face aux compromissions. De la création de Dan O’Bannon, il fait sienne et ne s’embarrasse même pas de l’avis de H.G. Giger pour concevoir sa propre reine Alien. Toutes les thématiques du cinéaste sont ici réunis : une catastrophe industrielle majeur, une apocalypse, un environnement mortifère, des gros flingues, des séquences d’action haletante et surtout un vrai bout de femme burnée, ayant probablement plus de courage et d’abnégation que certains bidasses n’ont d’attribut dans leur caleçon.


De l’épouvante-horreur du premier, il ne reste que des séquences disparates au sein d’une odyssée guerrière qui se voudrait une allégorie à peine déguisée de la débâcle des américains dans le conflit nord-vietnamien. Peu importe leur supériorité tactique et puissance de feu, les marines seront défaits par un ennemi sournois bien mieux organisé et connaissant chaque recoin de son environnement. Les survivants ne songeront alors plus qu’à fuir et rentrer chez eux. Voilà ce qui pourrait en somme résumer le scénario catastrophe de cette suite qui a tout d’une mission suicide. Imaginer ce qu’un seul spécimen était déjà capable de faire, cette fois il s’agit d’un nid complet infestant les installations de cette planète hostile. Les membres de cette mission se retrouveront à devoir lutter contre pas moins d’une centaine de xénomorphes survoltés à coup de bombes, de pétoires et de lance-flammes pour tenter de se frayer un chemin dans la mêlée jusqu’au cœur de cet enfer. Le tournage sera d’ailleurs une véritable guérilla, le réalisateur s’embrouillant avec la plupart de ses proches collaborateurs, James Horner notamment avec lequel il ne s’entend pas et rencontre plusieurs différents artistiques.


Parmi les anecdotes resté à la postérité, il y a aussi cette pause thé des techniciens anglais que Cameron va alors abréger en retournant la table. Face à la grève d’une partie de son équipe, il oppose du sang, de la sueur et des larmes. Pour répondre aux machinations de son directeur photo qui pense alors lui succéder, il sévit et le vire manu militari. Enfin, il ne supporte plus les frasques de l’acteur James Remar tout le temps sous l’emprise de drogue, et le remplacera au pied levé par son ami Michael Biehn qui avait précédemment interprété le rôle de Kyle Reese dans Terminator. Heureusement le cinéaste peut compter sur quelques alliés de poids contre les syndicats qui s’en mêle. Sa femme d’abord la productrice Gale Ann Hurd. A son ami Lance Henricksen auquel il avait initialement pensé pour interpréter le T-800, il offre le rôle de l’androïde Bishop pour se faire pardonner. Il impose également à la production la présence de Sigourney Weaver contre un cachet d’un million, tandis que Stan Winston aura la lourde tâche d’assurer les effets spéciaux des créatures, et les frères Skotak ceux des maquettes.


Finalement et contre toute attente, Cameron s’en tire à bon compte sans aucun dépassement de budget à déplorer ou de retard de calendrier. En exerçant une énorme pression sur ses équipes, le réalisateur est parvenu à communiquer ce sentiment d’urgence dans le parcours chaotique de ses protagonistes, faisant monter progressivement la tension à mesure de leur enfoncement dans la station et de leurs découvertes macabres. Le suspens culminant aboutira à des affrontements à couteaux tirés. Tout son talent d’entertainer saute alors au visage comme une violente déflagration. Les séquences d’action ne souffrent d’aucun temps morts grâce à son sens du rythme et du découpage. Certes Cameron n’est pas homme à faire dans la subtilité, mais son implication acharné mènera cette séquelle vers des cimes d’ingéniosité qu’aucun cinéaste après lui ne parviendra jamais à égaler, pas même Jean-Pierre Jeunet.


Alien Le Huitième Passager tournait autour de la gestation, de la crainte d'enfanter d’une monstruosité et de voir sa cage thoracique imploser comme par césarienne. Aliens prolonge cette peur de l'intérieur auquel s’ajoute la perte de l’être chère par cette opposition primale entre deux mères autour desquelles gravitent toute une ménagerie de mâles qui ne dominent que superficiellement les débats. Aucun ne sera jamais en mesure de prendre la position du père, que ce soit du côté des xénomorphes avançant en nombre croissant dans le faux plafond de la station ou bien du côté des militaires se défiant pour savoir qui a la plus grosse à l’image de leur vaisseau ressemblant à une mitrailleuse géante. Tout en muscle, rien dans la tête, heureusement, les femmes soldats telle que Vasquez sont là pour apportés un peu de jugeote et de cojones aux poltrons comme Hudson qui aboie tout de suite un peu moins fort dès lors qu’il se retrouve seul loin de la meute. Si Ripley été parvenu à sauver l’intégrité de sa féminité à l’issue du premier volet c’est dans son instinct maternel recouvrée qu’elle devra ici puiser la force pour sauver sa nouvelle fille de substitution des griffes de la reine alien. Une guerre entre deux mères s’engage alors. Une lutte à mort auquel le Caporal Hicks ne sera pas convié et ce malgré sa position ambivalente de mâle alpha par défaut plus que par choix. Dans un troupeau de mâles châtrés, c’est toujours la Jument qui montre la voie.


T’aimes l’odeur du blaster fumé au petit déjeuner ? Tu rêves de pouvoir voyager à travers d’autres dimensions afin de quitter ce monde de cons ? Rends-toi sur L’Écran Barge où tu trouveras toute une liste de critiques dédiées à l’univers de la science-fiction, garanties sans couenne de porc.

Le-Roy-du-Bis
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le 13 août 2024

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