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Après vingt ans de travail acharné, de dates repoussées et d’évolutions dans le domaine des effets spéciaux, le projet de James Cameron d’adapter le manga Gunnm (Battle angel Alita aux USA, puis en occident pour la sortie du film ) sur la grande toile se concrétise enfin devant nos yeux. Mais comme beaucoup le savent, il n’est pas derrière la caméra, déjà occupé par les suites d’Avatar, préférant léguer cette lourde tâche à Robert Rodriguez ; réalisateur toujours à l’affût de projets farfelus, de la saga adolescente Spy Kids aux films de genres graphiques tels que Sin City et sa suite, jusqu’aux Machete, production très influencées par le cinéma contemporain et référentiel de Quentin Tarantino. En somme, un touche à tout en mesure de surprendre, mais avant tout un passionné qui tient toujours à offrir du grand spectacle, souvent grand guignolesque et bancal, mais unique dans son approche du blockbuster. Cameron se limite ici au scénario, accompagné de sa consœur Laeta Kalogridis (Avatar, Altered Carbon).
Ce qu’on peut dire d’Alita : Battle Angel est qu’il ressemble exactement à ce qu’on peut s’attendre d’un film signé par Rodriguez. C’est un mélange graphique d’une richesse folle, où le cyberpunk de William Gibson et l’animation typiquement orientale s’entremêlent pour former une créature atypique. Loin de la vision froide et usée (formellement comme métaphoriquement) d’un Blade Runner 2049, Rodriguez opte pour un aspect à mi-chemin entre le jeu vidéo Deus Ex : Human Revolution (une ville cosmopolite sous contrôle d’une élite observante) et le conte initiatique. [...]
[...] Chaque scène d’action est propice à l’expérimentation sur ce corps synthétique porté par Rosa Salazar. Figure naïve aux grands yeux, il se trouve qu’Alita est une véritable machine de guerre portée par un désir de justice qui l’emportera toujours sur le degré de dangerosité des situations. S’embarquant souvent dans des combats bien au-delà de sa taille, on constate à quel point son désir de protéger les gens qui l’entourent s’accompagne d’extraordinaires combats où le corps parle avant toute chose, et où s’exprime tout le talent du réalisateur mexicain. Les sceptiques pourront vite se réjouir de voir que ce dernier s’est inspiré des plus grands, Wachowski en tête, pour mettre en scène ce mélange si caractéristique d’arts martiaux, de ralentis et de cadrages insolites aptes à exprimer l’évolution du protagoniste. [...]
[...] Seulement cela fonctionnerait si les personnages à ses côtés avaient quelque chose à nous offrir, au lieu de n’être que des fonctions. Qu’il s’agisse de Christoph Waltz, Jennifer Connelly (en roue libre, la pauvre) ou Mahershala Ali, aucun n’a réellement de place dans l’univers. N’agissant que pour orienter Alita ou agir en antagonistes, ils pêchent dans le pouvoir qu’ils ont sur le spectateur et l’héroïne à prendre part à l’histoire. Quand celle-ci devrait décoder cet univers et l’appréhender via le regard, ils ne font que le lui expliquer comme de vulgaires automates. [...]
Ce qui n’est rien comparé à l’évolution d’Alita elle-même, passant d’un corps d’enfant au deuxième tiers du métrage à celui d’une femme adulte, plus sensible et accomplie sur le plan physique. Notre héroïne ne se caractérise finalement qu’à travers l’amour qu’elle éprouve pour un jeune homme qu’elle a rencontré par hasard. Un schéma aussi éculé que très maladroitement exploité car il propage une idée contraire à tout ce que le cinéma de genre a été en mesure de faire depuis plus de trente ans. Le pire étant que ce récit amoureux n’intervient réellement qu’au moment où elle « grandit » (seulement sur le plan physique), donnant cette étrange sensation qu’elle attire plus grâce à son physique qu’à son attitude justicière. [...]
De la sorte, on vous conseille malgré tout de vous faire votre avis, car on soutient totalement ce genre de projet aussi gargantuesques que bancals. Alita : Battle Angel est mièvre et parfois indigne des noms à son origine, mais étrangement plein de vie car si Rodriguez ne sait jamais quoi faire de son casting lors des scènes d’exposition, il parvient à leur donner la parole dans le mouvement. Les résultats financiers nous annoncent d’ores-et-déjà un semi-échec, ce qui importe encore plus dans le fait d’aller se faire sa propre idée du résultat. Parce que si l’édifice est quelque peu branlant, on ne peut s’empêcher de l’aimer quand même et de s’y attacher pour le plaisir qu’il nous procure.