Si James Cameron n'a pas réalisé le film, ce plaisir revenant à Robert Rodriguez un vieux compère de Tarantino, il est évident qu'en sa qualité de producteur il a su rameuter ses meilleurs faiseurs techniques et insuffler cette dimension "cameronnienne" à une histoire qui n'impressionnera probablement pas les habitués des grosses productions de science-fiction.
Cyborg or not cyborg ? That's not really the question
Cependant il ne faut pas oublier le manga dont est tiré l'histoire (intitulé "Gunnm" dans nos contrées). Yukito Kishiro, le créateur original a voulu mettre sur pieds selon ses propres dires un manga de science fiction qui va vers d'autres prétentions que celles d'une histoire de robots en proie au spleen d'une existence jamais complétement humaine. S'il nous explique prendre ainsi le contrepieds d'un autre manga (Cyborg 009 de Shotaro Ishinomori), les cinéphiles y verront surtout un pas de côté thématique par rapport à des oeuvres comme Blade Runner. Sur 9 tomes (moins ceux de Last Order) on suivra non pas un robot regrettant de ne pas être humain mais un être embrassant des aspirations qui peuvent tout à fait se retrouver chez nous autres humains. Cette dynamique, retranscrite dans le film, retient l'histoire de virer dans le genre "Tech-Noir" au service d'une histoire lumineuse, colorée et complétement grand public.
Do we believe ?
Le centre du film est bien entendu Alita, cet avatar numérique, ce personnage virtuel interprété sous une pluie de capteurs par Rosa Salazar (cf d'urgence la série "d'animation" "Undone"). James Cameron le dit lui-même (et il aura eu le temps d'y réfléchir pendant 15 ans !) pour que le film fonctionne il faut que le spectateur croit en ce personnage et que son visage soit une prouesse de l'animation. Du grain de la peau aux imperfections naturelles, la technologie derrière Alita est confondante de "réalisme" et le mariage entre les dimensions analogique et virtuelle des images surpasse beaucoup d'autres films du même genre. Ensuite, Alita c'est un corps en évolution et même en révolution. D'abord absent dans la décharge, délicat dans les premières scènes chez Dyson Udo (Christoph Waltz), mis à rude épreuve au détour d'un match de rue, en proie au danger ensuite dans des combats cyberpunk survoltés et une partie de Motorball trafiquée, démembré et qui change même de morphologie en rapport avec la psychologie maturée d'Alita. Cette chronologie du corps finit de nous faire mordre à l'hameçon de ce personnage au même titre qu'un Gollum tenant encore la route aujourd'hui malgré nos yeux avertis.
To require or to enjoy ?
Si on peut ressentir devant le film une sensation déjà vue (tout en gardant en tête que le manga est malgré tout à l'origine de nombreuses de ces histoires auxquelles sera comparé le film) il est difficile de le balayer d'un revers de main. A côté de cette histoire revue se complet à la tâche un casting de premier choix allant de Jennifer Connelly à Edward Norton tout en nous faisant découvrir réellement Rosa Salazar (à peine vue dans "Le Labyrinthe") qui fournit une véritable performance derrière cette chair numérique. La seule chose qui pourrait être exigée est maintenant une suite. Mais le box-office n'aura pas suivi cet excellent divertissement malgré son respect bienveillant pour l'oeuvre originale ainsi qu'une volonté de satisfaire le spectateur avare de petits plaisirs candides. Dommage pour nous.
Il suffit de regarder les making-of pour comprendre l'implication humaine plurielle qui aura abouti à Alita : Battle Angel. On peut en particulier penser à ces images où James Cameron et Yukito Kishiro s'échangent mutuellement une boîte collector du manga et un croquis original d'Avatar pour comprendre qu'un bon film c'est avant tout la communion d'artistes généreux et impliqués.